
Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative au refus d'ordonner l'expulsion des commerces installés illégalement sur le site de la Lande à Calais |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Tribunal administratif de Lille, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/08/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1605689 |
Format : | 7 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Expulsion [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Procédure d'urgence [Mots-clés] Domaine public [Mots-clés] Commerce [Mots-clés] Occupation illégale d'un terrain [Mots-clés] Migrant [Géographie] Pas-de-Calais [Géographie] Nord-Pas-de-Calais |
Résumé : |
Le préfet demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative (CJA), l’expulsion sans délai des occupants des soixante-douze lieux de vente illégaux situés en zone dite Nord du campement de la Lande à Calais et la remise en état des lieux. Il s’agit pour la plupart des « restaurants » ou des « commerces de détail » mais aussi de quelques artisans (coiffeurs, barbiers, hammams).
Le préfet soutient notamment que l’expulsion sollicitée présente un caractère d’urgence dès lors qu’elle cette occupation irrégulière des lieux contrevient à l’ensemble des réglementations régissant les activités commerciales et fait naître de sérieux dangers pour l’ordre public et la sécurité des personnes, notamment le risque d’incendie ou d’explosion. Il ajoute que l’expulsion demandée présente un caractère d’utilité dès lors que le démantèlement des commerces illégaux s’inscrit dans des objectifs de maintien de l’ordre et de la prise en charge des migrants dans ce campement. Le juge considère que lorsqu’il est saisi, sur le fondement de l’article L. 521-3 du CJA, d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Tout d’abord, il estime que la zone concernée doit être regardée comme relevant du domaine public au sens de l’article précité, compte tenu de la réalisation des aménagements indispensables pour exercer la mission du service public de l’hébergement d’urgence. En revanche, il considère que la mesure demandée ne présente pas le caractère d’urgence et d’utilité requises par les dispositions de l’article L. 521-3. Il juge que s’il convient de ne pas méconnaître les nuisances, les dangers et les troubles liés à la présence de ces commerces, et alors que les services de l’Etat disposent des moyens nécessaire pour mettre fin aux activités les plus répréhensibles, leur disparition, de façon indifférenciée, dont il n’est pas établi qu’elle permettrait à elle seule, de mettre fin aux violences et aux trafics qui se déroulent sur le site d’une part, et aux dangers d’explosion ou d’incendie liés à la nature même de l’occupation de ce site d’autre part, se ferait indéniablement au détriment des migrants et conduirait à une dégradation certaine de leurs conditions de vie déjà très problématiques. Le juge note que les commerces litigieux, dont le préfet demande aujourd’hui l’expulsion, ont fait leur apparition avec l’arrivée des migrants sur le site en avril 2015 et se sont multipliés avec l’accroissement du nombre des migrants. Il souligne que c’est l’ensemble des installations du camp qui sont menacées par le risque d’incendie ou d’explosion. Il ne s’agit pas uniquement des constructions litigieuses qui ne sont équipées d’aucun dispositif de prévention contre incendie mais également des abris accueillant plusieurs milliers de personnes n’ayant pas trouvé de refuge dans les structures mises en place par l’Etat et des lieux de vie (lieux de culte, écoles, bibliothèque) présents sur l’ensemble du site. Par ailleurs, le juge considère que s’il est constant que l’Etat assure une distribution gratuite des repas, cela ne suffit pas à nourrir convenablement la population qui vit sur le site de la Lande. Il s’appuie sur le rapport du Défenseur des droits établi en octobre 2015 lequel fait état de la précarité des conditions dans lesquelles se déroulait la distribution quotidienne des repas, avec une file d’attente atteignant à l’ouverture de portes plus de 500 mètres, non abritée et un temps d’attente qui pouvait être de l’ordre de trois heures. Or, en raison des temps d’attente trop longs, et des tensions et des altercations qui surgissent, des migrants renoncent à s’engager dans ces files d’attentes. Ils peuvent difficilement se rendre dans le centre-ville ou dans les grandes surfaces pour se procurer de la nourriture et autres produits de première nécessité et des services. Le juge considère que les commerces litigieux répondent à ces besoins et qu’ils remplissent d’autres fonctions qui ont également leur importance pour des hommes, des femmes et des enfants arrivés à Calais après des périples longs et douloureux et qui vivent dans des conditions de précarité extrême et de total désœuvrement. Selon le juge, ces commerces constituent des lieux de rencontre apaisés entre migrants et bénévoles et pour certains, ils leurs permettent de se mettre à l’abri des intempéries, de se reposer et de se détendre, ou de recharger leurs téléphones portables ce qui est primordial pour les migrants afin de rester en contact avec leurs familles. Ils représentent également pour les nouveaux arrivants une solution d’hébergement gratuit pour les premières nuits. En outre, si, comme le soutient le préfet, certains commerçants font un chiffre d’affaires pouvant atteindre entre 1.500 et 1.800 euros par mois, le juge considère qu’il n’est pas établi que ces sommes s’expliqueraient exclusivement par des pratiques abusives au détriment des migrants. |
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