Document public
Titre : | Arrêt relatif à la rétention administrative d’une mère avec ses deux enfants en bas âge en vue de leur éloignement du territoire français : A.M. c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/07/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 24587/12 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Assignation à résidence [Mots-clés] Enfant [Géographie] France |
Résumé : |
L’affaire concerne la rétention administrative au centre de Metz-Queleu pendant 8 jours en avril 2012 d’une ressortissante russe et de ses deux enfants alors âgés de 4 mois et 2 ans et demi dans le cadre d’une procédure d’éloignement.
La CEDH rappelle qu’elle avait conclu à plusieurs reprises à la violation de l’article 3 de la Convention en raison du placement en rétention d’étrangers mineurs accompagnés. Elle prend en compte trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants. En l’espèce, elle constate que le centre de rétention compte parmi ceux « habilités » à recevoir des familles en vertu de la règlementation nationale. Les autorités ont pris soin de séparer les familles des autres retenus, de leur fournir des chambres spécialement équipées et de mettre à leur disposition du matériel de puériculture adapté. Cependant, la Cour relève que la cour intérieur de la zone famille n’est séparée de la zone « hommes » que par un grillage permettant de voir tout ce qui s’y passe. Elle observe, en outre, que les requérantes ont été soumises à un environnement sonore relativement anxiogène, en étant contraintes de subir les appels diffusés toute la journée au moyen de haut-parleurs au volume sonore élevé. De telles conditions, bien que nécessairement sources importantes de stress et d’angoisse pour un enfant en bas âge, ne sont pas suffisantes, dans le cas d’un enfermement de brève durée et dans les circonstances de l’espèce, pour atteindre le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3. Elle est convaincue, en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité précité. Dès lors, l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance primordiale au regard de l’application de ce texte. Même si les autorités internes ont, dans un premier temps, mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter le temps d’enfermement, le droit absolu protégé par l’article 3 interdit qu’un mineur accompagné soit maintenu en rétention dans les conditions précitées pendant une période dont la durée excessive a contribué au dépassement du seuil de gravité prohibé. Or, elle constate qu’en l’espèce, la période d’enfermement a duré au moins sept jours, non inclus le dernier jour pendant lequel la requérante est restée volontairement dans le centre de rétention. Cette durée est en elle même trop longue pour des enfants de deux ans et demi et quatre mois. Ainsi, compte tenu de l’âge des enfants de la requérante, de la durée et des conditions de leur enfermement dans le centre de rétention, la Cour estime que les autorités ont soumis ces enfants à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. En revanche, elle conclut à la non-violation de l’article 5§§1 et 4 au motif que dans son arrêté ordonnant le placement en rétention de la requérante, le préfet a écarté la possibilité de recourir à une mesure moins coercitive en raison de la conjonction de plusieurs facteurs, dont le refus de la première requérante de se mettre en relation avec le service de la police aux frontières afin d’organiser son départ, l’absence de document d’identité et le caractère précaire de son logement. Dans ces circonstances, la Cour estime que les autorités internes ont recherché de façon effective si le placement en rétention administrative de la famille était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune autre moins coercitive ne pouvait se substituer. De même, les juridictions internes se sont assurées de l’impossibilité de recourir à l’assignation à résidence dans les circonstances de la cause. En conséquence, la Cour est convaincue que les juridictions internes ont effectivement recherché si une mesure moins coercitive que la rétention de la famille aurait pu être prise et, partant, que les enfants de la requérante ont pu bénéficier d’un recours au sens de l’article 5 § 4. Enfin, la CEDH considère que la rétention des requérants, pour une durée totale de 8 jours, n’apparaît pas disproportionnée par rapport au but poursuivi (expulsion de la famille en situation irrégulière). Elle conclut à la non-violation du droit au respect de la vie familiale des intéressés. En effet, compte tenu du comportement de la requérante, les autorités internes ont mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’éloignement et limiter le temps d’enfermement. Elles avaient en effet programmé un vol à destination de la Pologne pour le lendemain du placement en rétention et ce n’est qu’à la suite du refus de la requérante d’embarquer que l’exécution de la mesure d’éloignement a été retardée et que le temps d’enfermement s’est prolongé. La Cour en déduit qu’aucun retard dans la mise à exécution de la mesure d’expulsion n’est à imputer aux autorités françaises. N.B. : Le même jour, la CEDH a condamné la France dans 4 autres affaires pour violation de l'article 3 en raison de la rétention des enfants en bas âge accompagnant leurs parents placés tous au centre de rétention Toulouse-Cornebarrieu, "habilité" à recevoir les familles : - affaire A.B. c. France, n° 11593/12, enfant de 4 ans, 18 jours de rétention en 2012 - affaire R.C. et V.C c. France, n° 76491/14, enfant de 2 ans, 10 jours de rétention en 2014 - affaire R.K. c. France, n° 68564/14, enfant de 15 mois, 9 jours de rétention en 2014 - affaire R.M. c. France, n° 33201/11, enfant de 7 mois, 7 jours de rétention en 2011 En revanche, contrairement à la présente affaire et celle de R.C et V.C c. France, la CEDH a conclu dans les affaires A.B., R.K. et R.M. également à la violation des articles 5§1, 5§4 et 8 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-164680 |
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