Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative au refus d'autoriser l'expulsion des migrants installés illégalement depuis plusieurs années sur un terrain privé |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Tribunal de grande instance de Béthunes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/10/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16-00170 |
Format : | 12 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Logement [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Conditions d'accueil [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Occupation illégale d'un terrain [Mots-clés] Migrant [Mots-clés] Domicile [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Bidonville [Mots-clés] Expulsion |
Résumé : |
Une commune et plusieurs personnes privées, propriétaires d’un terrain, demandent au juge des référés d’ordonner l’expulsion de plus de 250 migrants, dont femmes et mineurs, installées sur ce site depuis plusieurs années. Nombreuses associations humanitaires et des bénévoles interviennent auprès des migrants leur assurant notamment un suivi social et médical.
Le juge des référés suit les observations du Défenseur des droits, saisi par l’avocat de plusieurs occupants sans droit ni titre, et déboute les requérants. Tout d’abord, le juge considère qu’il n’y a pas d’urgence à évacuer dans la mesure où, d’une part, ce campement de réfugiés et migrants existe depuis une dizaine d’années et d’autre part, l’inauguration du camp a eu lieu en 2012 en présence des maires des communes environnantes avec le soutien d’un député européen et d’un sénateur. Par ailleurs, la région elle-même a participé au financement de certaines associations de santé intervenantes sur le site. En outre, plusieurs démantèlements de ce site ont eu lieu auparavant et les migrants y sont revenus. Enfin, le parquet avait classé sans suite une plainte déposée contre une association pour état temporaire de nécessité. Ensuite, le juge énonce que le Défenseur des droits a fait observer que sauf cas exceptionnels, la mise ne place des mesures protectrices par la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites doit être préalable à l’usage de la force publique destinée à mettre un terme à l’occupation illégale des terrains. Le Défenseur a souligné que toutes les dispositions doivent être prises pour garantir aux familles et aux personnes isolées que leurs conditions de vie, après le départ de leurs abris de fortune, soient conformes au principe de dignité humaine. Le juge considère que les droits fondamentaux des occupants doivent prévaloir sur le droit de propriété dès lors qu’une expulsion aurait des conséquences inhumaines et s’inscrirait dans un contexte de multiplication des évacuations de ce type, lesquelles n’ont pour résulter que de déplacer les occupations illégales et de maintenir ainsi les personnes dans l’état de plus extrême précarité. En l’espèce, aucune solution concrète et durable pour le relogement des personnes présentes sur le camp n’a été présentée. Le juge estime que le préfet ne peut se contenter d’indiquer que tout migrant se verra proposer un hébergement en centre d’accueil et d’orientation alors que la situation perdure depuis plus d’une dizaine d’années et que la jungle de Calais, située à une cinquantaine de kilomètre du site concerné, et concernant près de 12 000 personnes doit être démantelée prochainement et n’a toujours pas trouvé une solution pérenne. Par ailleurs, le sous-préfet évoque 400 places mais tous disséminés dans le territoire national mais il a été démontré que les migrants n’y resteraient pas et revenaient au lieu d’origine. Quant à l’existence de trouble lié à l’ordre public, le juge considère que le terrain concerné est éloigné des habitations et qu’il est inexploité depuis de nombres années et que les seules personnes gênées par la présence de rats et des odeurs nauséabonds sont les migrants eux-mêmes, aucun riverain ne s’était plaint à cet égard. Si les conditions de vie des migrants restent difficiles et très précaires, elles sont néanmoins encadrées a minima et leur permettent d’accéder à de nombreux soins, qui ne seraient plus garantis en cas d’expulsion. Ces conditions de vie seraient encore plus dangereuses et précaires en dehors de toute cette organisation actuelle. Le juge considère donc que la mesure d’expulsion sollicitée ne respecte pas les droits et la liberté d’autrui et n’est pas conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme puisqu’elle met en jeu, outre le droit au respect du domicile, le droit au respect de la vie privée et familiale, l’obligation d’évacuer leur abri de fortune constituant une ingérence dans ces droits qui apparaît en l’espèce disproportionnée par rapport au droit des propriétaires de jouir de leur bien et ne manquerait pas de produire des résultats catastrophiques sur le plan sanitaire et de la sécurité des personnes concernées. |
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Documents numériques (1)
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