Document public
Titre : | Requête relative au décès d’un jeune homme suite aux tirs mortels d’un gendarme ayant tenté d'interpeller le véhicule en fuite à bord duquel se trouvait la victime : Toubache c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/04/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 19510/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Violence [Mots-clés] Arme [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Responsabilité pénale [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Arme à feu [Mots-clés] Gendarmerie [Géographie] France |
Résumé : |
L’affaire concerne le décès d’un jeune homme suite aux tirs mortels d’un gendarme lors d’une tentative d’interpellation d’un véhicule en fuite.
En novembre 2008, après avoir à nouveau repéré un véhicule, avec à son bord trois hommes, dont le fils des requérants assis sur la banquette arrière, qui venaient de commettre plusieurs délits, la patrouille de la gendarmerie a pris en chasse le véhicule après avoir mis en action leurs avertisseurs sonores et lumineux. Au cours de la poursuite, le gendarme (auteur des tirs mortels), a effectué deux tirs de flash-ball sur le véhicule. À l’entrée d’une commune, le conducteur du véhicule a été surpris par d’autres gendarmes, qui effectuaient une intervention à la suite d’un accident de circulation étranger à la présente affaire. Le véhicule s’est arrêté, ce qui a permis au gendarme et ses collègues de s’immobiliser juste derrière. Le gendarme est descendu de son véhicule en sortant son arme de service. Au même moment, le conducteur du véhicule a effectué la marche arrière, procédant à deux reprises à des manœuvres dans l’axe du gendarme. Ce dernier a braqué son pistolet vers l’arrière du véhicule, criant « Halte, gendarmerie ». Il a dû néanmoins faire un saut sur le côté pour éviter d’être heurté. Il a décidé alors de tirer sur le moteur, mais son arme s’est enrayée. Il a été une nouvelle fois obligé d’éviter le véhicule, son conducteur roulant dans sa direction avant d’accélérer pour prendre la fuite. Le gendarme a réarmé son arme, s’est mis dans l’axe de circulation du véhicule qui commençait à s’éloigner et a tiré une première fois dans ses pneus, puis à plusieurs reprises dans ses parties basses. Cependant, le véhicule a réussi à disparaître. Peu de temps après, le corps d’un homme mortellement blessé a été découvert dans une caserne des pompiers. Il s’agissait du fils des requérants. L’enquête ultérieure a établi que la victime est l’un des occupants du véhicule et que la balle mortelle a été tirée par le gendarme. Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre du gendarme du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme. Les deux juges d’instruction saisis de l’affaire ont toutefois requalifié les faits en homicide involontaire par imprudence et ont ordonné le renvoi du gendarme devant le tribunal correctionnel. Ils ont estimé tout d’abord que l’utilisation par le gendarme de son arme à feu était justifiée lors des quatre premiers tirs, respectant parfaitement le critère de l’absolue nécessité. Ils ont noté que les zones visées étaient à même de stopper le véhicule, que le gendarme avait fait des sommations et qu’il avait failli être percuté. En revanche, s’agissant des cinquièmes et sixièmes tirs à plus de vingt mètres du véhicule, les juges ont estimé notamment que « les chances quasi nulles de ces tirs de parvenir à stopper le véhicule, les privaient par là même de toute justification, ne respectant pas ainsi l’absolue nécessité, et ce nonobstant le comportement particulièrement dangereux du pilote du véhicule ». La chambre de l’instruction de la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance en considérant que le gendarme n’était pas pénalement responsable et qu’il n’y avait pas lieu à son renvoi devant une juridiction de jugement. Elle a considéré notamment que le gendarme n’avait pu que constater l’inefficacité des moyens employés pour immobiliser le véhicule et légitimement conclure qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour y parvenir que de faire feu, l’usage de son arme étant dès lors absolument nécessaire pour contraindre le conducteur à s’arrêter. Elle a estimé que si le fait justificatif de légitime défense ne pouvait s’appliquer à un gendarme accomplissant sa mission en uniforme, en revanche, l’intéressé devait bénéficier de la cause d’irresponsabilité pénale, prévue par l’article 122-4, alinéa 1, du code pénal résultant de l’application de l’article L. 2338-3 du code de la défense. Les requérants ont formé un pourvoi en cassation. Dans le cadre de leur mémoire ampliatif, ils ont critiqué, d’une part, le recours en termes généraux à la notion d’absolue nécessité des tirs du gendarme, sans explication sur les circonstances que le tir mortel, dirigé à hauteur d’homme vers l’arrière du véhicule alors en fuite et à plus de vingt mètres du gendarme, ne pouvait plus être justifié, et d’autre part, le fait que la chambre de l’instruction ne s’était pas prononcée sur le caractère disproportionné du coup de feu mortel, au regard notamment de l’article 2 de la Convention. Toutefois, la Cour de cassation a rejeté leur en estimant que la chambre de l’instruction, dont elle rappelle la motivation, a justifié sa décision sans méconnaître l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Invoquant le droit à la vie protégé par l’article 2 de la Convention, les requérants se plaignent de ce que le tir mortel pour leur fils n’était pas proportionné au but poursuivi. Ils soulignent en particulier que les faits dont les occupants étaient soupçonnés ne constituaient pas des infractions violentes. Ils soulignent en outre qu’au moment des tirs, les occupants du véhicule ne représentaient plus une menace pour la vie ou l’intégrité physique de quiconque, qu’il était pratiquement impossible qu’un tir effectué à plus de vingt mètres permette de toucher un élément du véhicule entraînant son immobilisation et qu’au contraire, les probabilités de toucher les occupants augmentaient, les juges ayant relevé l’éloignement du véhicule, en mouvement et faisant des zigzags, la faible luminosité et le relèvement mécanique de l’arme sous l’effet du recul. Ils estiment par ailleurs que si le conducteur du véhicule a bien essayé de renverser le gendarme celui-ci savait qu’il y avait d’autres occupants à bord qui n’avaient, quant à eux, pas cherché à commettre une infraction violente et que plutôt que de prendre sciemment le risque de blesser l’un d’eux, le gendarme aurait dû envisager une mesure moins radicale, comme par exemple la prise en chasse du véhicule. Introduite devant la CEDH le 17 avril 2015, la requête a été communiquée par la Cour le 23 juin 2016. QUESTIONS AUX PARTIES : 1. Le droit du fils des requérants à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention, a-t-il été violé en l’espèce ? 2. En particulier, le décès du fils des requérants est-il le résultat d’un usage de la force rendu absolument nécessaire ? |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-165035 |