Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère trop limité du contrôle exercé par le juge administratif français sur la décision de placer un étranger en rétention administrative : A. M. c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/07/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 56324/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Justice administrative |
Résumé : |
Le requérant, un ressortissant tunisien, a été interpellé alors qu’il était en situation irrégulière en France. Il a fait l’objet de deux arrêtés, l’un de reconduite à la frontière et l’autre de placement en rétention administrative. La légalité de ces décisions a été confirmée par le juge administratif.
Toutefois, la mesure d’éloignement n’a pas été mise à exécution et le requérant a été remis en liberté. Quelques mois plus tard, il a été de nouveau interpellé et placé en rétention administrative en vue de l’exécution de l’arrêté de reconduite à la frontière. Il a été renvoyé quelques heures avant la tenue de l’audience devant le juge saisi dans le cadre du recours contre la décision le plaçant en rétention. La Cour administrative d’appel a annulé l’arrêté de placement en rétention administrative en tant qu’il prévoyait que le recours juridictionnel contre une telle décision ne suspendait pas l’exécution de la mesure d’éloignement. Le Conseil d’Etat a toutefois annulé l’arrêt du juge d’appel et, réglant l’affaire au fond, a rejeté la requête de l’intéressé. Invoquant l’article 5§4 relatif au droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention, le requérant se plaint notamment de l’absence d’effet suspensif du recours contre la décision d’éloignement et du caractère trop restrictif du contrôle exercé par le juge administratif, celui-ci n’ayant aucun pouvoir pour apprécier les conditions de son interpellation. La CEDH conclut à la majorité à la violation de l’article 5§4 de la Convention. Elle rappelle avoir jugé qu’en vertu de cette disposition, toute personne arrêtée ou détenue a le droit de faire examiner par le juge la « régularité » de sa privation de liberté (au sens de l’article 5§1 de la Convention). Elle ajoute que tel est le cas même si la privation de liberté est brève (en l'espèce trois jours et demi). La Cour examine le caractère effectif du recours judiciaire dont disposait le requérant pour contester la décision de placement en rétention administrative. La Cour précise que le contrôle du juge quant à la "régularité" de la privation de liberté doit être d’une ampleur suffisante. Cela suppose que le juge puisse examiner la régularité de la détention tant au regard du droit interne que de la Convention, de ses principes généraux et de la finalité des restrictions posées par l’article 5§1. Or, la CEDH constate que le juge administratif français ne peut exercer qu’un contrôle restreint de la décision de placement en rétention (notamment sa motivation et la nécessité du placement) mais il n’est pas compétent pour se prononcer sur la régularité des actes accomplis avant la rétention et ayant mené à celle-ci. Ainsi, il ne peut contrôler si les modalités de l’interpellation ayant conduit à la rétention sont conformes au droit interne et au but de l’article 5, à savoir, protéger l’individu contre l’arbitraire. En conséquence, dès lors que le juge national ne peut contrôler la régularité de l’ensemble des actes ayant menés à la rétention, notamment l’interpellation du requérant, la CEDH estime que le contrôle du juge administratif est insuffisant. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-165268 |