Document public
Title: | Arrêt relatif à la non-violation de la liberté d'expression d'un fonctionnaire, condamné pour diffamation pour avoir dénoncé des faits basés sur des rumeurs non vérifiées : Soares c. Portugral |
is an issue of : | |
Authors: | Cour européenne des droits de l'homme, Author |
Material Type: | musical score - printed |
Publication Date: | 21/06/2016 |
ISBN (or other code): | 79972/12 |
Languages: | English |
Descriptors: |
[Mots-clés] Lanceur d'alerte [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Diffamation [Géographie] Portugal |
Abstract: |
Le requérant, caporal chef de la garde nationale républicaine portugaise, avait été condamné pour diffamation aggravée à l'égard d'un commandant, au regard des allégations de détournement de fonds publics qu'il avait dénoncées sur le fondement d'une rumeur non vérifiée.
Le requérant avait envoyé un courrier à l'Inspection générale de l'Administration interne, alléguant que le commandant avait détourné les fonds publics. Il s'était dit animé de l’intention de déclencher l’ouverture d’une enquête sur ces allégations, tout en admettant qu’elles étaient basées sur une rumeur. Or, les enquêtes menées par trois différentes autorités n'ont pas permis d'établir la véracité de ses allégations ni que le commandant aurait commis un acte criminel ou agi illégalement. De plus, les juridictions pénales n'ont pas été en mesure de confirmer l'existence d'une rumeur et ont alors considéré que le requérant n'avait pas agi de bonne foi. Devant la CEDH le requérant allègue que cette condamnation constitue une violation de son droit à la liberté d'expression protégé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Après avoir constaté que la condamnation, constitutive d'une ingérence dans le droit du requérant à sa liberté d'expression, était prévue par la loi nationale et qu'elle poursuivait un but légitime, la CEDH doit examiner le caractère nécessaire de cette ingérence dans une société démocratique. Elle rappelle que la protection due en vertu de l'article 10 a vocation à s'appliquer sur le lieu de travail et en particulier dans les services publics. Elle ajoute que la dénonciation par des agents de la fonction publique, de conduites ou d’actes illicites constatés sur leur lieu de travail doit être protégée dans certaines circonstances. Pareille protection peut s’imposer lorsque l’employé ou le fonctionnaire concerné est seul à savoir – ou fait partie d’un petit groupe dont les membres sont seuls à savoir – ce qui se passe sur son lieu de travail et est donc le mieux placé pour agir dans l’intérêt général en avertissant son employeur ou l’opinion publique. La Cour rappelle toutefois que les salariés sont tenus à l'égard de leurs employeurs d'une obligation de loyauté, de réserve et de discrétion. La dénonciation doit être fait d'abord à un supérieur hiérarchique ou toute autre autorité ou organisme compétent. C'est seulement lorsque cela est clairement impossible que l'information peut être divulguée, en dernier lieu, au public. Pour déterminer si l'ingérence dans l'exercice de droit à la liberté d'expression du requérant était proportionné, la CEDH doit examiner si l'intéressé avait tout autre moyen efficace pour remédier au comportement ou acte qu'il s’apprêtait à dénoncer. La Cour rappelle également que lorsqu'il s'agit de se prononcer sur un conflit entre deux droits protégés par la Convention, en l'espèce, le droit à la liberté d'expression du requérant d'une part, et le droit à la réputation du commandant, protégé au titre du droit à la vie privée d'autre part, il s'agit de vérifier si les autorités nationales ont ménagé un juste équilibre entre ces droits. Il appartient à la CEDH d'examiner au regard de l'article 10 et à la lumière de l'affaire dans son ensemble, les décisions qui ont été prises par les autorités nationales. La Cour considère qu'afin d'évaluer la justification d'une dénonciation en cause, une distinction doit être faite entre les déclarations de jugements de fait et de valeur. Bien que l'existence de faits peut être démontrée, l'obligation de prouver la véracité d'un jugement de valeur est impossible à remplir et porte atteinte à la liberté d'opinion, élément fondamental du droit protégé par l'article 10. En l'espèce, les allégations de détournement de fonds publics constituait une déclaration de fait. Compte tenu de la particulière gravité de cette accusation susceptible d'affecter la réputation d'un fonctionnaire travaillant pour une autorité répressive ainsi que la réputation de la garde nationale républicaine, le requérant qui avait l'intention de déclencher une enquête devait avoir une base factuelle pour fonder ses allégations au lieu de se contenter d'une simple rumeur non vérifiée, soutenue par aucun commencement de preuve. La CEDH estime donc que la conclusion des tribunaux nationaux que le requérant n'avait pas agi de bonne foi était proportionnée et justifiée. Par ailleurs, le requérant qui disposait des recours hiérarchiques pour dénoncer en interne la rumeur mais ne l'avait pas utilisé, avait alors privé ses supérieurs hiérarchiques de la possibilité d’enquêter sur la véracité de ces allégations en contournant cette procédure hiérarchique. Le cas d'espèce doit donc être distingué des cas d'information justifiée du supérieur hiérarchique ou de lancement d'alerte, une action qui est protégée par l'article 10 de la Convention. Enfin, quant à la proportionnalité de la sanction (payement d'une amende de 720 euros et de 1.000 euros de dommages et intérêts au commandant), la Cour considère que ces montants apparaissent très modérés compte tenu de la gravité des allégations et du préjudice causé au commandant et sachant que l'amande maximale encourue était quatre fois plus importante. La sanction ne peut être regardée comme étant disproportionnée. La Cour conclut que les motifs avancés par les juridictions internes à l’appui de leurs décisions étaient pertinents et suffisants et que l'ingérence était proportionnée au but légitime poursuivi, à savoir la protection de la réputation du commandant. Cette ingérence peut donc être raisonnablement considérée comme étant nécessaire dans une société démocratique au sens du paragraphe 2 de l'article 10. En conséquence, il n'y a pas eu de violation du droit à la liberté d'expression du requérant. |
Link for e-copy: | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-163822 |