
Document public
Titre : | Décision relative à l’irrecevabilité d’une requête concernant le refus de pension de survivant au partenaire homosexuel : Mata Estevez c. Espagne |
Voir aussi : | |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/05/2001 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 56501/00 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Mariage [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Pension de réversion [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] Espagne |
Résumé : |
Le requérant avait formé un couple et cohabité avec un autre homme pendant plus de dix ans. Suite au décès de son compagnon, le requérant s'était vu refuser le bénéfice de la pension de survivant au motif qu’en absence de mariage, il ne pouvait être juridiquement considéré comme étant conjoint survivant au sens de la loi. La loi espagnole réserve le mariage aux couples hétérosexuels.
En Espagne, l’union extra-matrimoniale, entre un homme et une femme, même s’ils cohabitent, ne donne pas droit à une pension de survivant, sauf si les personnes ayant vécu maritalement avec le défunt se trouvaient dans l’impossibilité de se marier en raison de l’inexistence du divorce avant la réforme de 1981. Le requérant se plaint de la différence de traitement existant en matière d’ouverture du droit à pension de survivant entre les unions de fait d’homosexuels et les couples mariés, ou même pour les couples non mariés d’hétérosexuels qui, lorsqu’ils ont été dans l’impossibilité légale de se marier avant la légalisation du divorce en 1981, ont droit à la pension de survivant. Il estime que cette différence de traitement constitue une discrimination injustifiée qui porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et invoque les articles 8 et 14 de la Convention. La CEDH rappelle que, d’après la jurisprudence constante des organes de la Convention, des relations homosexuelles durables entre deux hommes ne relèvent pas du droit au respect de la vie familiale protégé par l’article 8 de la Convention. Elle estime que malgré l’évolution constatée dans plusieurs Etats européens tendant à la reconnaissance légale et juridique des unions de fait stables entre homosexuels, il s’agit là d’un domaine dans lequel les Etats contractants, en l’absence d’un dénominateur commun amplement partagé, jouissent encore d’une grande marge d’appréciation. En conséquence, la liaison du requérant avec son partenaire, aujourd’hui décédé, ne relève pas de l’article 8 dans la mesure où cette disposition protège le droit au respect de la vie familiale. En revanche, elle reconnaît que la relation affective et sexuelle maintenue par le requérant relève de sa vie privée au sens de l’article 8 § 1 de la Convention. Concernant la pension de survivant refusée au requérant, elle rappelle, en premier lieu, que la Convention ne garantit pas comme tel le droit à pension. Toutefois, la question pourrait se poser de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, la décision litigieuse pouvait constituer une ingérence discriminatoire en violation des articles 8 et 14 combinés. A cet égard, la Cour estime que, à supposer même que le refus de reconnaître au requérant le droit à une pension du survivant du fait du décès de son partenaire constitue une ingérence dans le respect de sa vie privée, celle-ci est justifiée au regard du paragraphe 2 de l’article 8. Elle considère que le lien du mariage constituait une condition essentielle pour l’ouverture du droit à pension de survivant et que, même dans l’hypothèse de prise en compte de la situation des couples non mariés en raison de l’interdiction du divorce avant 1981, elle était sous-jacente à la reconnaissance du droit. Or, elle constate qu’en aucun cas, le cadre juridique en vigueur en Espagne ne permet le mariage entre personnes du même sexe. La CEDH rappelle qu’au regard de l’article 14, une distinction est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». Or, en l’espèce, la législation espagnole en matière de droit aux prestations de survivants a un but légitime, à savoir la protection de la famille fondée sur les liens du mariage. La CEDH considère que la différence de traitement constatée peut être considérée comme relevant de la marge d’appréciation de l’État. Dans ces conditions, la Cour estime que les décisions litigieuses n’emportent pas ingérence discriminatoire dans la vie privée du requérant, en violation de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention. Dès lors, la requête doit être rejetée comme étant manifestement dépourvue de fondement, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-32408 |