Document public
Titre : | Arrêt relatif aux faits de harcèlement moral discriminatoire liés à l'orientation sexuelle du salarié |
Titre précédent : | |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 22/09/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 14/07337 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Promotion [Mots-clés] Harcèlement |
Résumé : |
Embauché en qualité de chargé d’affaires en mai 2004 au sein d’un établissement bancaire, le requérant a été promu en 2006 au poste d’ingénieur d’affaires puis en 2009 au poste de responsable d’affaires avant de quitter la banque en octobre 2012 à la suite d’un plan de départ volontaire auquel il s’était porté candidat.
L’intéressé soutient avoir été victime de harcèlement et de discrimination fondés sur son orientation sexuelle à partir de 2009 lorsque son homosexualité a été connue de son employeur. Il a notamment reçu sur sa messagerie professionnelle, de courriels à connotation sexuelle dans lesquels son supérieur hiérarchique et ses collègues font référence à son homosexualité, assortis de moqueries et d’humiliations. Par ailleurs, sans justification objective sa rémunération fixe a été baissée et sa rémunération variable a été supprimée. La société démente toute discrimination à l’encontre du salarié et affirme attacher une grande importance au principe de non-discrimination et mener une politique active de prévention des discriminations au titre de l’orientation sexuelle. Elle fait valoir que l’intéressé n’a jamais usé des procédures spécifiques mises en place pour les victimes destinées à dénoncer les faits de discrimination. Faisant valoir qu’il a été contraint d’adhérer au plan de départ volontaire compte tenu de la situation de harcèlement et de discrimination, l’intéressé demande au juge de prononcer la nullité de l’acte de rupture de la relation de travail. En novembre 2013, le Conseil de prud’hommes a toutefois débouté l’intéressé de toutes ses demandes. Le Conseil a estimé que l’intéressé ne produisait pas d’éléments laissant supposer qu’il a été victime de discrimination. Par ailleurs, le Conseil a souligné que ce n’était pas l’employeur qui avait été à l’origine de la rupture de la relation de travail. Saisi en janvier 2014, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant la Cour d’appel. Après avoir constaté que l’intéressé a été victime d’un harcèlement discriminatoire fondé sur son orientation sexuelle, que la discrimination se traduit également par une baisse arbitraire de sa rémunération, le Défenseur conclut que la rupture du contrat de travail de l’intéressé dans le cadre d’un plan de départs volontaires est nulle en raison du vice du consentement résultant de la situation de discrimination antérieure. La Cour d’appel suit les observations du Défenseur des droits. Elle note que la carrière et la rémunération de l’intéressé ont connu jusqu’en 2010 une augmentation constante. Plus particulièrement, sur la période de 2005 à 2008, l’intéressé a perçu un bonus annuel en augmentation constante dans des proportions très importantes, puis ses bonus ont décru en 2009 alors qu’il a été nommé directeur avant de reprendre en 2010 et 2011. En 2012, l’intéressé n’a perçu aucun bonus. La Cour d’appel souligne que l’intéressé, dont les évaluations sont depuis son embauche excellente, a été apprécié de son environnement professionnel. La Cour reconnaît qu’en 2010, l’employeur a eu connaissance de l’homosexualité du salarié et que c’est pour cette raison, qu’il a subi des moqueries de la part de ses collègues qui imposaient, au surplus, par leur comportement machiste et sexiste, un environnement de travail particulièrement oppressant, qui promouvait au demeurant la banque en offrant à ses salariés des soirées dans des établissements de striptease ou offrant des prestations à caractère sexuel. La Cour observe que la différence de traitement de la rémunération variable, qui constitue une part très importante de la rémunération de l’intéressé, est concomitante de la connaissance par l’employeur de l’homosexualité du salarié. En particulier, en 2012, la rémunération variable de l’intéressé pour l’année 2011 a été supprimée alors qu’il avait réalisé 90% de ses objectifs, dépassant ainsi ses performances de l’année précédente. Cette différence de traitement n’étant pas justifiée par l’employeur par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination du fait de l’orientation sexuelle, la banque est condamnée à verser au salarié une somme de plus de 200.000 € pour les années 2010 (au titre du solde de la rémunération variable payée en 2011) et 2011 (au titre du bonus pour l’année 2012). En outre, la Cour d’appel considère que peu important que le salarié n’ait pas dénoncé la discrimination subie dans le cadre de la procédure de départ volontaire, son consentement au départ, même réitéré, procède, avec la convention de rupture qui en résulte, de la discrimination. En conséquence, cette convention de rupture est nulle. La banque doit verser au salarié une somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique résultant de la privation de sa rémunération variable qui caractérise le point d’arrêt de la carrière de l’intéressé au sein de la banque pour des motifs étrangers à sa valeur professionnelle, ainsi qu’une somme de 100.000 € pour le préjudice moral résultant de la discrimination et du harcèlement moral discriminatoire. |
Note de contenu : | N.B.: Par l'arrêt du 19 janvier 2017 (n° 16/15106), la Cour d'appel a rectifié une erreur matérielle, le dispositif de l'arrêt du 22 septembre 2016 n'avait pas repris la somme de 50.000 euros que la Cour, dans sa motivation, avait accordé au salarié compte tenu de la discrimination dont il avait été victime au cours de l'exécution du contrat de travail. |
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Documents numériques (1)
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