Document public
Titre : | Décision MLD-2016-176 du 13 juillet 2016 relative à un harcèlement discriminatoire à raison de l'origine |
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Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 13/07/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-2016-176 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Promotion [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Harcèlement moral [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet |
Résumé : |
Le Défenseur des droits avait été saisi de faits de harcèlement moral que le réclamant estime discriminatoires en raison de ses origines.
Le réclamant avait été engagé en qualité de technicien informatique en mai 2011. Il avait fait l’objet de propos racistes et n'avait pas bénéficié d’entretiens annuels d’évaluation, et ainsi, d’évolution de carrière et de salaire. Il avait été placé en arrêt maladie pour syndrome dépressif sévère à compter du 11 janvier 2013, déclaré inapte à tout poste puis licencié en juillet 2013. L’employeur n'avait pas contesté que le réclamant a fait l’objet de propos à caractère raciste, qu’il n’avait pas bénéficié d’entretiens individuels ni d’augmentation, alors que son travail était satisfaisant. Il apparait également que l’employeur avait été alerté sur la situation de souffrance au travail du réclamant par courrier des délégués du personnel demandant la réalisation d’une enquête sur le fondement de l’article L.2313-2 du code du travail (droit d’alerte), mais qu’aucune enquête n’avait été effectuée. A l’issue de son enquête, le Défenseur des droits avait décidé de présenter ses observations devant le conseil de prud’hommes, qui furent favorablement accueillies puisque ce dernier avait jugé que le réclamant avait été victime d’agissements discriminatoires répétés en raison de ses origines, constitutifs d’un harcèlement moral et prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, aux effets d’un licenciement nul. Dès lors, il allouait au réclamant la somme de 11 400 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral résultant de la perte de son emploi, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des agissements discriminatoires et 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant du manquement à l’obligation de sécurité. La société ayant interjeté appel de ce jugement, le Défenseur des droits souhaite présenter ses observations devant la cour d’appel, afin de rappeler qu’il ressort de son enquête que le réclamant a fait l’objet d’un harcèlement moral discriminatoire fondé sur son origine, et que la société mise en cause a manqué à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de son salarié, que ces éléments justifient le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ayant les effets d’un licenciement nul, et, à titre subsidiaire, que son licenciement pour inaptitude à tous les postes dans l’entreprise encourt la nullité en ce qu’il fait suite aux faits de harcèlement moral discriminatoire dénoncés. |
Suivi de la décision : |
Dans un arrêt particulièrement motivé en date du 13 mars 2019, la cour d’appel de retient : -S’agissant du harcèlement discriminatoire : La cour estime que l’existence de propos racistes est établie. « L’employeur n’établit pas que les propos à caractère délibérément racistes proférés à l’encontre de M. X. et l’absence d’entretien annuel étaient justifiés pas des éléments étrangers à tout harcèlement. (…) Ainsi que le rappelle le jugement, l’article 2 de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique précise que « le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu’un comportement indésirable lié à la race ou à l’origine ethnique se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » Tel était le cas des propos racistes tenus à l’égard de Monsieur X. de telle sorte qu’il doit être retenu que le harcèlement moral présentait un caractère discriminatoire en raison de ses origines ». La cour considère que le harcèlement discriminatoire a causé un préjudice au salarié notamment quant à l’atteinte à la personne et condamne l’employeur à lui verser 20.000 euros de dommages et intérêts à ce titre. -S’agissant de l’obligation de sécurité : « L’employeur indique avoir procédé à une enquête interne. Le prétendu compte-rendu de cette enquête n’est pas signé et ne précise pas quelle est la personne qui s’en serait chargé. Il n’est pas davantage établi que tous les salariés ont été entendus, dont notamment ceux attestant en faveur de M. X. Enfin et surtout, loin de dénoncer les propos racistes et de prendre des mesures fermes pour y mettre fin, l’employeur se limitait à conclure dans le document « enquête relative au droit d’alerte » à « un usage d’échange de propos type atelier », et à écrire « nous avons expressément demandé de surveiller les éventuelles écarts de langage et de limiter les plaisanteries pouvant porter à confusion « banalisant ainsi des propos racistes inacceptables ». (…) Il est ainsi établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Ce manquement (…)) justifie l’allocation au salarié d’une indemnité [distincte] de 5.000 euros. -S’agissant de la rupture du contrat : « La réitération d’injures à caractère délibérément raciste à l’égard du salarié, l’absence de prise en compte de sa dénonciation des faits et la banalisation de ces faits par l’employeur constituent des fautes imputables à celui-ci, rendant impossible la poursuite du contrat de travail ». La résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul prononcée par le conseil de prud'hommes est donc confirmée. Une indemnité de 15.000 euros pour licenciement nul lui est allouée. L’intérêt de cet arrêt est multiple : 1) Il confirme l’analyse du Défenseur des droits s’agissant d’un harcèlement discriminatoire en lien avec l’origine ; 2) Il vise la directive 2000/43/CE et évoque expressément le « harcèlement discriminatoire » ; 3) Il alloue au salarié des dommages et intérêts en réparation de plusieurs préjudices tirés de la discrimination à savoir : - le harcèlement discriminatoire : 20.000 euros - le manquement à l’obligation de sécurité : 5.000 euros - la résiliation judiciaire ayant les effets d’un licenciement nul : 15.000 euros ; 4) Enfin, il sanctionne les comportements et propos racistes ainsi que leur banalisation par l’employeur, ce qui est à souligner étant donné que le mot « raciste » est très rarement employé par les juges. |
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Documents numériques (1)
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