Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'interdiction d'exploiter les actes de naissances étrangers transcrits en France en raison de l'indication de la filiation maternelle d'une femme qui n'a pas accouché des enfants |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Rennes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/06/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15/09501 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] État civil [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Maternité [Mots-clés] Inexécution de décision [Mots-clés] Filiation [Géographie] Etats-Unis |
Résumé : |
L’affaire concerne le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissance de jumelles nées en 2000 aux Etats-Unis, d’un père français et d’une mère porteuse, et ce, malgré l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ayant condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants.
En novembre 2002, les actes de naissance américains des jumelles désignant en qualité de père, le requérant (père biologique) et en qualité de mère, son épouse (mère d’intention), ont été transcrits à la demande du ministère public sur les registres d’état civil en vue de leur annulation. Plusieurs décisions de justice sont intervenues. En mars 2010, la Cour d’appel a annulé les transcriptions des actes de naissance. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des parents en avril 2011 en jugeant notamment que l’absence de transcription ne prive pas les enfants de leur filiation paternelle et maternelle établies à l’étranger et ne les empêche pas de vivre avec leurs parents en France et que cette situation ne porte pas atteinte au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni au respect du droit à la vie privée et familiale. En juin 2014, la CEDH a condamné la France dans cette affaire pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du refus des autorités de reconnaître ou d’établir en droit interne le lien de filiation paternelle des enfants. Suite à cet arrêt, les parents ont sollicité du service d’état civil la mise à jour dans les meilleurs délais dans les registres d’état civil des actes de naissance de leurs filles en cohérence avec leur état civil établi par le droit californien. Or, le procureur de la République a refusé la transcription. Les parents ont également saisi le Défenseur des droits. Le juge des référés du tribunal de grande instance avait fait droit à la demande des parents en se fondant notamment sur l’obligation de la France de se conformer à la décision de la CEDH et constate que l’arrêt de la Cour d’appel de 2010, revêtu de l’autorité de la chose jugée, ne pouvait plus produire d’effets juridiques depuis l’arrêt de la CEDH devenu définitif en septembre 2014. Cette mention était portée en marge des actes de naissance des jumelles. Il estimait que certes le droit français n’organise aucune procédure spéciale permettant de donner suite en matière civile à une condamnation de la France par la CEDH mais que pour éviter de se rendre coupable de déni de justice, il convenait de mettre fin à la situation qui selon le juge aurait aussi pu être qualifiée de trouble manifestement illicite, en ordonnant la transcription des actes de naissance des enfants (tant la filiation paternelle que maternelle) qui prenait forme d’une nouvelle mention en marge de ces actes. Il estimait que les actes étrangers étaient conformes aux exigences de l’article 47 du code civil. Il considérait que ces actes n’ont jamais été soupçonnés d’irrégularités ni de falsification et que les faits qui y sont déclarés sont conformes à une décision de justice étrangère qui donnait force exécutoire à un contrat de mère porteuse lequel attribue la paternité juridique au père biologique et la maternité juridique à son épouse (mère d’intention). Selon le juge, le fait que la mère juridique (la mère d’intention) ne soit pas la mère biologique ne caractérise par une information fausse. Le ministère public a fait appel de cette ordonnance en faisant valoir en particulier que le juge des référés est allé au-delà de la jurisprudence de la Cour de cassation en violant l’article 47 précité car la mention de la mère d’intention comme étant la mère légale des enfants alors qu’elle n’a pas accouché n’est pas conforme à la réalité au sens de cet article, qui est selon le ministère public, une réalité factuelle. Selon le droit français, est considérée comme étant la mère, la femme ayant accouché de l’enfant. Il soutient que l’arrêt de la CEDH ayant condamné la France dans cette affaire n’imposait pas la reconnaissance maternelle. Le Défenseur des droits a présenté ses observations en faisant valoir que le refus de transcription des actes de naissance étrangers des enfants pourrait aller à l’encontre du droit au respect de la vie privée et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il considère que la transcription partielle des actes de naissance devrait a minima être accepté en raison de la filiation biologique avec le père. Il conclut que le refus de transcription pourrait constituer une discrimination fondée sur la naissance et le mode de conception de l’enfant, contraire à l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour d’appel considère que contrairement à ce que soutiennent les époux, le débat sur l’obligation de transcription des actes de naissance n’est pas clos suite à l’arrêt de la CEDH qui a seulement reproché à la France d’avoir fait obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne du lien de filiation des enfants à l’égard de leur père biologique et non envers son épouse, en sa qualité de mère légale des enfants. Par ailleurs, elle considère que la demande des époux adressée au service d’état civil suite à l’arrêt de la CEDH visant la « mise à jour » de l’état civil de leurs filles constitue un fait nouveau. Suite au refus du service d’état civil les époux ont saisi les juges de référés alors que la transcription d’un acte de naissance entraînant automatiquement une reconnaissance du lien de filiation implique que la décision rendue tranche le litige de manière définitive. Or, la Cour d’appel considère que le juge des référés était incompétent pour statuer sur cette question et trancher le fond du litige. En conséquence, la Cour d’appel fait droit à la demande du ministère public et fait l’interdiction au service central d’état civil d’exploiter les actes de naissances transcrits au registre de l’état civil aux fins d’annulation de leur transcription. |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
JP_CA_Rennes_20160627_15-09051.pdf Adobe Acrobat PDF |