Document public
Titre : | Arrêt relatif au changement de la mention de sexe sur l'acte d'état civil d'une personne transsexuelle sans qu'une expertise médicale visant à établir le caractère irréversible du changement de sexe soit nécessaire |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Douai, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/03/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15/03850 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Transidentité [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Examen médical |
Résumé : |
Le requérant, né de sexe féminin, atteint du syndrome de transsexualisme, avait demandé au juge d’ordonner la rectification de la mention du sexe sur son acte de naissance pour qu’y soit indiqué le sexe masculin, ainsi que le changement de ses prénoms.
Avant dire droit, le juge de première instance a ordonné une mesure d’expertise confiée à un médecin afin qu’il donne son avis sur le caractère irréversible de la transformation de l'apparence de l'intéressé et du processus de réassignation sexuelle engagée et notamment préciser si ce traitement a entraîné une infertilité définitive ou si son interruption serait susceptible de conduire à une reprise de la fonction reproductrice. Le ministère public conclut à l’infirmation de ce jugement et à ce qu’il soit fait droit aux demandes du requérant. La Cour d’appel fait droit à la demande du requérant. Selon la Cour d’appel, il est acquis que lorsqu’une personne a subi un traitement médico-chirurgical dans un but thérapeutique, qu'elle n'a plus tous les caractères de son sexe d'origine et qu'elle a pris l'apparence physique et le comportement social de l'autre sexe, le principe du respect dû à la vie privée justifie, au regard des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que soit modifié son état civil pour qu'il indique le sexe dont elle a l'apparence, le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne faisant pas obstacle à une telle modification. La rectification de la mention de sexe figurant dans un acte de naissance suppose que le requérant établisse la réalité, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, du syndrome transsexuel dont il est atteint ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. En l’espèce, le juge de première instance avait relevé qu’il résultait de divers éléments produits par l’intéressé que ce dernier présente un syndrome de dysphorie de genre qui a été médicalement constaté, qu'il est engagé dans un processus de réassignation sexuelle, qu'il existe une concordance entre son apparence physique masculine et son comportement social, de type masculin. Le juge avait motivé sa décision de recourir à une expertise par le caractère relativement récent du processus de réassignation sexuelle engagé par l’intéressé et une preuve insuffisante du caractère irréversible de la transformation de son apparence au regard de l'hypothèse d'un arrêt du traitement et des progrès de la médecine en matière de reconstruction plastique. Or, la Cour d’appel considère qu’il résulte d’un avis de la Commission consultative des droits de l’homme du 27 juin 2013 que s’affirmer homme ou femme ne relève pas d'une décision arbitraire, conjoncturelle ou fantasmatique mais est toujours lié à une conviction profonde qui est souvent ressentie dès l'enfance et relève bien de l'identité, que les fréquentes demandes d'expertise, qui ne sont pas toujours justifiées, font peser un soupçon sur cette conviction qui ajoute une cause de souffrance psychique aux préjugés dont sont souvent victimes les personnes concernées. La Cour d’appel ajoute qu’il est désormais admis que le caractère irréversible de la transformation 'de l'apparence', qui est exigé, peut être tenu pour acquis, notamment par l'effet de traitements hormonaux modifiant définitivement le métabolisme et d'interventions de chirurgie plastique, malgré l'absence (liée à des risques médicaux ou à d'autres difficultés, pécuniaires par exemple) d'une opération de réassignation sexuelle (ablation des organes génitaux). Par ailleurs, une année supplémentaire s'est écoulée depuis l'introduction de la procédure et il est établi que le processus engagé par l’intéressé et le traitement correspondant se poursuivent. La Cour note que le docteur qui a attesté en août 2015 que l’intéressé bénéficie toujours d’un traitement qui assure une masculinisation irréversible de son apparence avait ajouté que dans sa carrière, il n’a jamais rencontré de personne 'transgenre' qui aurait souhaité revenir en arrière en faisant la demande d'un traitement et d'actes de chirurgie contraires à ceux déjà pratiqués. La Cour considère que si la décision du tribunal a sans doute été prise dans l'intérêt de la personne requérante eu égard aux enjeux de la modification demandée, la mesure d'expertise ordonnée ne s'avère pas indispensable au regard des éléments que cette dernière produit pour justifier du caractère irréversible acquis à ce jour du processus de réassignation sexuelle qu'elle a engagé. |
Documents numériques (1)
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