Document public
Titre : | Décision MLD-2016-080 du 23 mars 2016 relative à la rupture d'un contrat de collaboration discriminatoire en raison du sexe |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi privé (2011-2016), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 23/03/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-2016-080 |
Note générale : | |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle [Documents internes] Rappel des textes [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Avocat |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par une avocate d’une réclamation relative à la rupture de son contrat de collaboration qu’elle estime discriminatoire en raison de son sexe.
La réclamante est engagée en qualité d’avocate collaboratrice à compter d’avril 2011. Bien qu’elle n’ait fait l’objet d’aucun grief particulier et qu’elle ait bénéficié de bonus et primes ainsi que d’un entretien individuel positif, le cabinet met fin à son contrat de collaboration sans motif le 25 septembre 2013. Il ressort de l’enquête menée par le Défenseur des droits qu’aucun grief professionnel ne vient justifier la rupture du contrat de la réclamante. Il apparait également que le jour où son contrat était brutalement rompu, il était également mis fin au contrat de deux autres collaboratrices. Pour l’une d’entre elle, le Défenseur des droits a considéré, après enquête, que la rupture, qui intervenait le jour de la fin de la protection dont elle bénéficiait au retour de son congé maternité, était discriminatoire en raison de son sexe et de sa maternité . Il ressort également de l’enquête qu’à la même période, trois collaboratrices venant d’accoucher ne sont pas revenues au cabinet, et qu’il était procédé au recrutement de cinq collaborateurs de sexe masculin. Il apparait enfin que les associés du cabinet sont toujours des hommes et que les candidats de sexe masculin ont plus de chance que les candidates de se voir proposer un entretien dans ce cabinet. Au vu de ce qui précède, le Défenseur des droits : - constate que la réclamante a subi une rupture de son contrat de collaboration discriminatoire en raison de son sexe, dans un contexte de discrimination systémique à l’encontre des femmes au sein du cabinet ; - recommande au cabinet mis en cause de se rapprocher de la réclamante afin de procéder à une juste réparation de son préjudice, et de rendre compte des suites données à cette recommandation dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la présente ; - A défaut d’accord dans le cadre de cette recommandation, décide de présenter ses observations devant toute juridiction judiciaire compétente ; - décide de transmettre ses observations au Bâtonnier ainsi qu’à l’Ordre des avocats de la ville concernée pour information. Il convient de préciser que le Défenseur des droits a été saisi à 3 reprises par des anciennes salariées et/ou collaboratrices du cabinet d’avocats. Le cabinet emploie une vingtaine de collaborateurs et est reconnu pour son expertise en droit public. Des enquêtes approfondies ont été diligentées dans ces dossiers et 3 décisions ont été rendues par le Défenseur des droits : MLD 2015-264 adoptée en collège le 25.11.2015, MLD 2016-80 (23.03.2016) et MLD 2016-167 (21.06.2016). |
Nombre de mesures : | 1 |
Suivi de la décision : |
Dans le présent dossier, le Défenseur des droits a recommandé au cabinet d'avocat de réparer le préjudice de la réclamante. Les parties ont transigé. Néanmoins, une procédure disciplinaire a été initiée par le Conseil de discipline de l’Ordre des avocats contre Maître X. comme dans le dossier MLD-2015-264. Ainsi, l’Ordre des avocats, averti de plusieurs manquements concernant ce cabinet, aussi bien pour des faits de discrimination que d’atteinte à la vie privée de ses collaborateurs, décide d’engager des poursuites disciplinaires, ce qu’avait demandé le Défenseur des droits en utilisant son pouvoir issu de l’article 29 de la loi n°2011-333. Par courrier du 19 janvier 2016, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, Maître Frédéric SICARD, indique au Défenseur des droits accuser réception de la décision susmentionnée et que « des poursuites disciplinaires seront engagées à l’encontre de Maître X ». Le 13 juillet 2017, le Bâtonnier communique, à titre confidentiel, au Défenseur des droits l’arrêté rendu par le Conseil de discipline le 6 décembre 2016. L’arrêté précise que les transactions ainsi régularisées entre les parties n’ont d’effet qu’entre les parties à cette transaction et n’interdisent pas au Bâtonnier, en sa qualité d’autorité de poursuites, de saisir le Conseil de discipline des avocats. Le Conseil de discipline de l’ordre des avocats reprend ensuite l’argumentaire du Défenseur des droits, dans sa décision du 6 décembre 2016, en indiquant que « considérant que les éléments relevés par le Défenseur des droits dans les cas MLD-2016-080 et MLD-2015-264 ne sont fondamentalement pas remis en cause par l’analyse des pièces produites dans le cadre de la présente instance, il sera considéré que les conditions de la fin du contrat de collaboration sont particulièrement vexatoires, car sans lien avec la performance individuelle de la collaboratrice et accompagnées de pressions et de procédés stigmatisant. Que si l’absence de motivation est la règle en cas de cessation d’une collaboration libérale, celle-ci ne saurait permettre une attitude vexatoire ou de nature à adopter un comportement discriminatoire. Cette attitude (…) et les circonstances de celles-ci doivent être assimilées à un manquement aux principes essentiels ». Le Conseil conclut ainsi au fait que Maître X. s’est rendu coupable de violations des principes essentiels de la profession prévus par le règlement intérieur et prononce à son encontre une sanction de 9 mois d’interdiction d’exercice assortie du sursis, de privation du droit de faire partie de l’Ordre, du Conseil national des Barreaux et tout autre organisme professionnel et de présentation aux fonctions de Bâtonnier pendant une durée de 5 ans. Cet arrêté revêt une importance toute particulière en ce que l’Ordre des avocats reconnait la discrimination dans ces dossiers, en dépit de la liberté de rompre sans motif un contrat de collaboration libérale, ce qui n’était jusqu’à présent pas le cas ; les avocats bénéficiant d’une sorte de « protection entre pairs ». Il considère également que l’acte de discriminer pour un avocat équivaut à un manquement aux règles essentielles de la profession et sanctionne son auteur. De plus, il convient de relever que le Défenseur des droits a utilisé son pouvoir issu de l’article 29 de la loi n°2011-333 qui prévoit que « Le Défenseur des droits peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction. Cette autorité informe le Défenseur des droits des suites réservées à sa saisine et, si elle n'a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision », pouvoir qui a pesé de façon assez significative dans ces dossiers. |
Documents numériques (1)
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