Document public
Titre : | Arrêt relatif à une opération policière menée au domicile d'un suspect en présence de son épouse et leurs enfants mineurs : Govedarski c. Bulgarie |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/02/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 34957/12 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Bulgarie [Mots-clés] Perquisition [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Harcèlement |
Résumé : |
L’affaire concerne une opération policière menée, dans le cadre d’une enquête préliminaire, dans le domicile d’un homme, suspecté d’être usurier, et les conséquences de cette opération sur lui et sa famille.
Le matin du 21 novembre 2011, plusieurs policiers lourdement armés et cagoulés sont entrés dans la maison du requérant et ont fait irruption dans les chambres alors que lui et sa famille étaient en train de dormir. Invoquant les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) combiné avec les articles 3 et 8, le requérant, sa femme et ses enfants se plaignaient d’avoir subi un traumatisme psychologique en raison de l’intervention des forces de l’ordre à leur domicile, de la perquisition de leur logement, de la saisie de divers documents et de l’absence de voies de recours internes pour remédier aux violations alléguées de leurs droits. La CEDH juge à l’unanimité à la violation de ces dispositions. Concernant le mauvais traitement, la Cour rappelle que la présence éventuelle de membres de la famille du suspect sur les lieux de l’arrestation est une circonstance qui doit être prise en compte dans la planification et l’exécution de ce type d’opérations policières, ce qui n’a pas été fait dans la présente affaire. Qui plus est, en l’espèce, les forces de l’ordre n’ont pas envisagé d’autres modalités d’exécution de leur opération au domicile des requérants. La prise en compte des intérêts légitimes de l’épouse et des enfants du premier requérant était d’autant plus nécessaire que l’épouse n’était pas suspectée d’être impliquée dans les infractions pénales reprochées à son mari et que les deux fils du couple étaient psychologiquement vulnérables en raison de leur jeune âge – quatre et huit ans respectivement. Pour ce qui est de l’effet psychologique de l’intervention policière sur les quatre requérants, la Cour rappelle que les opérations policières impliquant une intervention au domicile et l’arrestation de suspects engendrent inévitablement des émotions négatives chez les personnes visées par ces mesures. Cependant, il existe dans la présente espèce des éléments concrets, non contestés par le Gouvernement, qui démontrent que les requérants ont été très fortement affectés par les événements en cause. La Cour considère également que l’heure matinale de l’intervention policière et la participation d’agents spéciaux cagoulés ont contribué à amplifier les sentiments de peur et d’angoisse éprouvées par les requérants, à tel point que le traitement infligé a dépassé le seuil de gravité exigé pour l’application de l’article 3 de la Convention. La Cour estime donc que les requérants ont été soumis à un traitement dégradant. En conclusion, après avoir pris en compte toutes les circonstances pertinentes en l’espèce, la Cour considère que l’opération policière au domicile des requérants n’a pas été planifiée et exécutée de manière à assurer que les moyens employés soient strictement nécessaires pour atteindre ses buts ultimes, à savoir l’arrestation d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction pénale et le rassemblement de preuves dans le cadre d’une enquête pénale. Les requérants ont été soumis à une épreuve psychologique qui a généré chez eux de forts sentiments de peur, d’angoisse et d’impuissance et qui, de par ses effets néfastes, s’analyse en un traitement dégradant au regard de l’article 3 de la Convention. Il y a donc eu en l’espèce violation de cette disposition. Concernant la perquisition du domicile des requérants, la Cour considère que même si la mesure d’instruction avait une base légale en droit interne, la législation nationale n’a pas offert aux requérants suffisamment de garanties contre l’arbitraire avant ou après la perquisition. De ce fait, les requérants ont été privés de la protection contre l’arbitraire que leur conférait le principe de la prééminence du droit dans une société démocratique. Dans ces circonstances, la Cour considère que l’ingérence dans le droit des intéressés au respect de leur domicile n’était pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention. Enfin, elle considère que les requérants ne disposaient d’aucune voie de recours interne qui leur aurait permis de faire valoir leur droit à ne pas être soumis à des traitements contraires à l’article 3 précité et leur droit au respect de leur domicile, garanti par l’article 8 précité. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-160627 |