Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que l'obligation de travailler faite à un détenu ayant atteint l'âge de retraite n'est pas contraire à la Convention européenne des droits de l'homme : Meier c. Suisse |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 09/02/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 10109/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Personne âgée [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Conditions de travail [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Travail en détention [Mots-clés] Retraite [Géographie] Suisse |
Résumé : |
Le requérant, actuellement incarcéré dans un établissement pénitentiaire suisse, allègue une violation de son droit à ne pas être soumis à un travail forcé ou obligatoire et souligne qu’il a atteint l’âge de la retraite. Par ailleurs, il dénonce une discrimination qu’il aurait subie en tant que détenu ayant atteint l’âge de la retraite par rapport à une personne en liberté qui n’est pas obligée de continuer de travailler.
La CEDH est saisie de la question de l’obligation de travailler en prison après avoir atteint l’âge de la retraite pour la première fois. Il s’agit de savoir s’il y a eu « travail forcé ou obligatoire » contraire à l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle relève que l’intéressé accomplissait le travail sous menace d’une peine puisqu’il était astreint à travailler en vertu du code pénal suisse et il se rendait coupable s’il refusait d’effectuer le travail qui lui était assigné. Elle estime que la question de savoir si l’article 4§3 a) de la Convention qui prévoit qu’il n’est pas considéré comme « travail forcé ou obligatoire » tout travail requis normalement d’une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l’article 5 de la Convention, doit être examinée à la lumière du but du travail, imposé, de sa nature, de son étendu et des modalités de son exécution. S’agissant du but du travail imposé, la Cour accepte l’argument du Gouvernement suivant lequel le devoir des personnes détenues de continuer à travailler même après l’âge de la retraite s’intègre dans le but de la réduction des effets nocifs de la détention. Un travail adapté et raisonnable peut contribuer à la structuration du quotidien et au maintien d’une activité qui sont des objectifs importants pour le bien-être d’un détenu de longue durée. Eu égard à la nature du travail effectué par les détenus ayant atteint l’âge de la retraite, il ressort des observations du Conseil fédéral du mois d’octobre 2012 en réponse au rapport du Comité contre la torture sur la visite en Suisse en octobre 20113, que l’astreinte au travail ne s’applique pas à tous les détenus dans la même mesure et qu’elle doit être adaptée, selon les circonstances, aux aptitudes, à la capacité de travail et à l’état de santé du détenu. La Cour observe également que l’étendue du devoir de travailler est elle aussi adaptée aux circonstances et à la situation personnelle du requérant, dans la mesure où celui-ci ne travaille qu’environ trois heures par jour, soit 18 heures et 20 minutes par semaine. S’agissant des modalités d’exécution de son travail, la Cour rappelle que l’intéressé est intégré, avec d’autres détenus ayant atteint l’âge de la retraite, dans une division spéciale du pénitencier. Enfin, il convient de noter que le travail du requérant est rémunéré. Ensuite, elle observe l’absence d’un consensus suffisant parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe quant à l’obligation des prisonniers de travailler après avoir atteint l’âge de la retraite. La Cour souligne, d’une part, que les autorités suisses jouissaient d’une marge d’appréciation considérable et, d’autre part, qu’il était impossible d’en tirer l’interdiction absolue au titre de l’article 4 de la Convention. Le travail obligatoire effectué par le requérant pendant sa détention peut être donc considéré comme un « travail requis normalement d’une personne soumise à la détention » selon les termes de l’article 4 de la Convention. Dès lors, il ne constitue pas un « travail forcé ou obligatoire » au sens du même article. Constatant que le requérant s’est limité à contester le principe même de l’obligation de travailler imposée aux personnes détenues ayant atteint l’âge de la retraite, sans se plaindre des modalités d’exécution du travail qui lui a été attribué par les autorités suisses, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 de la Convention. Enfin, concernant l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 4, la CEDH rejette le grief tiré du traitement discriminatoire dont le requérant serait victime pour non épuisement des voies de recours internes. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-160424 |