Document public
Titre : | Arrêt relatif au retour des enfants contre leur volonté auprès de leur père : N.Ts. c. Géorgie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 02/02/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 71776/12 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Discernement [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Audition [Mots-clés] Maintien des liens [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Tiers digne de confiance [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Contestation [Géographie] Géorgie |
Résumé : |
L'affaire concerne la procédure relative au retour de trois jeunes garçons (aîné né en 2002 et jumeaux nés en 2006), qui vivent avec leur famille maternelle depuis le décès de leur mère, survenu en 2009, auprès de leur père.
Tout d'abord, la CEDH estime que la tante des enfants a la qualité pour agir au nom de ses neveux compte tenu notamment du lien étroit, dès lors qu'elle s'occupe d'eux et les héberge), de leur situation de fragilité et des relations compliquées, voir hostiles, avec leur père, condamné en 2006 pour consommation de drogue . Ensuite, la CEDH estime que les enfants n'ont pas été correctement représentés devant les juridictions nationales, eu égard en particulier au fait que les fonctions et pouvoirs de l'autorité nationale désignée (Agence des services sociaux) pour les représenter n'étaient pas clairement définis. Pendant la période de deux ans qu'a duré la procédure, les représentants de l'Agence n'ont rencontré les enfants que de rares fois aux fins de la rédaction de comptes rendus sur leurs conditions de vie et leur état psychologique, mais aucun contact régulier n'a été maintenu dans l'optique d'un suivi et de l'établissement d'une confiance avec les enfants. Dans ce contexte, la CEDH renvoie aux recommandations de plusieurs organes internationaux, notamment aux Lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la justice adaptée aux enfants, qui préconise qu'en cas de conflit d'intérêt entre les parents et les enfants, il soit désigné un représentant indépendant chargé de représenter les points de vue de l'enfant et d'informer celui-ci du contenu de la procédure. La CEDH estime que tel n'était pas le cas en l'espèce, l'Agence n'assurait pas une représentation adéquate au regard de ces critères. Par ailleurs, en dépit des normes internationales pertinentes, les juridictions nationales n'ont pas envisagé d'associer directement l'aîné des garçons à la procédure. La CEDH note que la décision des juridictions nationales reposait principalement sur deux motifs, à savoir que l'intérêt supérieur des enfants était de retrouver leur père et que la famille maternelle exerçait une influence négative sur les enfants. La Cour admet ces motifs mais note également que les juridictions nationales n'ont pas pris en considération de manière adéquate le fait que les enfants ne souhaitaient pas retourner auprès de leur père. Concernant le rôle manipulateur de la famille maternelle vis-à-vis du père, facteur qui d'après certains rapports a contribué à façonner la relation entre les enfants et leur père, les juridictions nationales disposaient d'éléments sans équivoque concernant l'attitude hostile des enfants à l'égard de leur père. De plus, les rapports psychologiques avaient alerté sur les risques qui pourraient peser sur la santé psychologique des enfants si ceux-ci étaient renvoyés de force auprès de leur père. La Cour considère que dans ces conditions, ordonner une mesure si radicale sans envisager de transition adéquate semble avoir été contraire à leur intérêt supérieur. Elle estime donc que les juridictions ont fait de l'intérêt supérieur des enfants une appréciation inadéquate négligeant leur état psychologique. La CEDH conclut à l'unanimité qu'il y a eu violation de l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l'homme en raison d'une défaillance dans le processus décisionnel, exacerbée par un examen inadéquat et unilatéral de l'intérêt supérieur des enfants. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-160313 |