
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation et la détention d'un mineur ayant participé à une manifestation : Gülcü c. Turquie |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/01/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 17526/10 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Mineur auteur d'infraction pénale [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Aménagement de peine [Mots-clés] Détention provisoire [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Liberté d'association et de réunion [Géographie] Turquie |
Résumé : |
En juillet 2008, le requérant, alors âgé de 15 ans a été arrêté et placé en garde à vue après qu’il a jeté des pierres en direction de la police lors d’une manifestation organisée pour protester contre les conditions de détention du dirigeant d’une organisation armée illégale. L’intéressé a reconnu avoir scandé un slogan en faveur de ce dirigeant et jeté des pierres en direction de la police lorsque celle-ci était intervenue mais contestait avoir un lien avec l’organisation et soutenait avoir seulement été pris dans la foule pendant la manifestation.
Il a été condamné en novembre 2008 par la Cour d’assises pour appartenance à l’organisation, diffusion de propagande en faveur d’une organisation terroriste et résistance à la police. L’intéressé qui a passé trois mois et vingt jours en détention provisoire avant d’être condamné, s’est vu infliger une peine d’emprisonnement de sept ans et six mois au total pour l’ensemble des chefs d’accusation. En décembre 2012, la Cour des mineurs a acquitté l’intéressé du chef d’appartenance à une organisation terroriste. Elle l'a toutefois condamné pour diffusion de propagande en faveur d’une organisation terroriste, participation à une manifestation et résistance et obstruction aux forces de l’ordre. Ces condamnations ont été assorties d’un sursis à condition que l’intéressé ne commette aucune infraction pendant les trois années suivantes. Devant la CEDH, le requérant se plaignait de sa condamnation pour participation à une manifestation et allègue que la peine cumulée qui lui a été infligée était disproportionnée. La Cour examine cette affaire sous l’angle de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention européenne des droits de l’homme et juge à l’unanimité qu’il y a eu violation de cet article. La CEDH observe d’emblée que, même si l’intéressé a été condamné pour un acte de violence dirigé contre des policiers, rien ne porte à croire que, lorsqu’il a rejoint la manifestation, l’intéressé avait des intentions violentes. Rien dans le dossier ne suggère que les organisateurs de la manifestation souhaitaient autre chose qu’un rassemblement pacifique. Partant, la Cour admet que le requérant pouvait bénéficier de la protection de l’article 11 de la Convention. La Cour considère que même si l’intéressé a été libéré de prison en juillet 2010 et que l’arrêt de la Cour des mineurs lui a été plus favorable que l’arrêt initial de la Cour d’assises, il ne demeure pas moins qu’il a été privé de sa liberté pendant plus de deux ans avant son procès pénal, sans qu’il y ait jamais eu de reconnaissance ou de réparation de l’atteinte alléguée à son droit à la liberté de réunion. Le réexamen de sa condamnation et de sa peine n’a donc pas fait perdre au requérant sa qualité de victime. En conséquence, la Cour estime que la condamnation pénale du requérant ainsi que les peines d’emprisonnement qui lui ont été infligées et sa détention pendant deux ans, ont constitué une ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé à la liberté de réunion. Cette ingérence avait une base légale et poursuivait les buts légitimes de la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales ainsi que de la protection des droits et liberté d’autrui. Toutefois, elle marque son désaccord avec le fait que la Cour d’assises n’a pas motivé ni la condamnation du requérant pour appartenance à l’organisation ni le verdict de culpabilité pour diffusion de propagande en faveur d’une organisation terroriste, en violation des garanties procédurales inhérentes à l’article 11, lequel exige que toute ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’association et de réunion soit motivée. Par ailleurs, elle relève l’extrême sévérité des peines infligées à l’intéressé (au total, sept ans et six mois d’emprisonnement),alors qu’il était âgé de seulement 15 ans à l’époque des faits, et le fait qu’il a purgé un an et huit mois sur sa peine, après avoir passé déjà près de quatre mois en détention provisoire. La Cour considère que les juridictions internes n’ont pas pris en compte le jeune âge du requérant, ni lorsqu’elles ont décidé de le mettre en détention provisoire, ni lorsqu’elles lui ont infligé les différentes peines. Par ailleurs, la Cour note que le Gouvernement turc n’a pas prétendu que d’autres méthodes de détention ont été d’abord envisagées, ni que l’intéressé a été mis en détention uniquement en dernier recours, conformément à ses obligations tant au regard du droit interne qu’au titre de plusieurs convention internationales, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant). La Cour considère, qu’eu égard à l’âge du requérant, la sévérité de la peine infligée ne saurait être considérée comme proportionnée aux but légitimes poursuivis, à savoir la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales et la protection des droits et libertés d’autrui. Elle conclut que la condamnation pénale du requérant pour appartenance à l’organisation, diffusion de propagande en faveur de cette organisation et résistance à la police ainsi que les peines d’emprisonnement qui lui ont été infligées et sa détention pendant deux ans n’étaient pas « nécessaires dans une société démocratique ». |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-160215 |