
Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative au refus de transcrire des actes de naissance des enfants nés de la GPA à l'étranger malgré l'arrêt de la CEDH condamnant la France |
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Auteurs : | Tribunal de grande instance de Nantes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 03/12/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 15/00841 |
Format : | 7 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Inexécution de décision [Mots-clés] Paternité [Mots-clés] Enfant [Géographie] Etats-Unis |
Résumé : |
L’affaire concerne le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissance de jumelles nées en 2000 aux Etats-Unis, d’un père français et d’une mère porteuse, et ce, malgré l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ayant condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants.
En novembre 2002, les actes de naissance américains des jumelles désignant en qualité de père, le requérant (père biologique) et en qualité de mère, son épouse (mère d’intention), ont été transcrits à la demande du ministère public sur les registres d’état civil en vue de leur annulation. Plusieurs décisions de justice sont intervenues. En mars 2010, la Cour d’appel a annulé les transcriptions des actes de naissance. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des parents en avril 2011 en jugeant notamment que l’absence de transcription ne prive pas les enfants de leur filiation paternelle et maternelle établies à l’étranger et ne les empêche pas de vivre avec leurs parents en France et que cette situation ne porte pas atteinte au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni au respect du droit à la vie privée et familiale. En juin 2014, la CEDH a condamné la France pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du refus des autorités de reconnaître ou d’établir en droit interne le lien de filiation paternelle des enfants. Suite à cet arrêt, les parents ont sollicité du service d’état civil la mise à jour dans les meilleurs délais dans les registres d’état civil des actes de naissance de leurs filles en cohérence avec leur état civil établi par le droit californien. Or, le procureur de la République a refusé la transcription. Les enfants ont obtenu les certificats de nationalité française en février 2015. Les parents ont également saisi le Défenseur des droits. Le juge des référés du tribunal de grande instance fait droit à la demande des parents en se fondant notamment sur l’obligation de la France de se conformer à la décision de la CEDH et constate que l’arrêt de la Cour d’appel de 2010, revêtu de l’autorité de la chose jugée, ne pouvait plus produire d’effets juridiques depuis l’arrêt de la CEDH devenu définitif en septembre 2014. Cette mention sera portée en marge des actes de naissance des jumelles. Le juge considère notamment que l’acte d’état civil, qui n’est pas une décision de justice, peut être modifié sans violer l’autorité de la chose jugée. Le juge estime que la filiation paternelle doit être mise en conformité avec la filiation biologique du père des jumelles. Quant à la filiation maternelle, le juge note que la CEDH n’a pas constaté expressément de restriction anormale des droits de l’enfant mais qu’à la lumière de cet arrêt, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en estimant que le recours à la gestation pour autrui ne s’oppose pas à lui seul à la transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant né de cette pratique et doit être transcrit dès lors qu’il satisfait aux exigences des dispositions de l’article 47 du code civil. Le juge considère que la Cour ne vérifie plus l’application de la conception française de l’ordre public international, mais uniquement le contrôle de l’authenticité de l’acte à transcrire et des informations qui y figurent. Il considère qu’en l’espèce, les actes étrangers n’ont jamais été soupçonnés d’irrégularités ni de falsification et que les faits qui y sont déclarés sont conformes à une décision de justice étrangère et donnant force exécutoire à un contrat de mère porteuse qui attribue la paternité juridique au père biologique et la maternité juridique à son épouse (mère d’intention). Le juge estime que le fait que la mère juridique ne soit pas la mère biologique ne caractérise par une information fausse, dès lors qu’à l’instar d’une adoption, la légalité de cette substitution a été vérifiée par le tribunal compétent, à savoir la Cour suprême de Californie. Le juge ajoute que l’effet direct de l’arrêt de la CEDH rendu dans cette affaire et les conséquences à en tirer sur la perte d’effets juridiques de la décision d’annulation de la transcription déjà prise en compte par les autorités françaises sous la forme de la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants qui suppose la reconnaissance du lien de filiation. Il considère qu’il n’existe donc plus aucune contestation sérieuse de nature à faire obstacle à la transcription des actes de naissance étrangers des enfants sur les registres de l’état civil français. Le juge des référés estime que certes le droit français n’organise aucune procédure spéciale permettant de donner suite en matière civile à une condamnation de la France par la CEDH mais que pour éviter de se rendre coupable de déni de justice, il convient de mettre fin à la situation qui selon le juge aurait aussi pu être qualifiée de trouble manifestement illicite, en ordonnant la transcription des actes de naissance des enfants qui prend forme d’une nouvelle mention en marge de ces actes. |
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Documents numériques (1)
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