Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative à l'assignation à résidence et à la fermeture administrative provisoire d'un restaurant dans le cadre de l'état d'urgence |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Conseil d'État, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/01/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 395620 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Assignation à résidence [Mots-clés] Maintien de l'ordre public [Géographie] Yémen |
Résumé : |
Un homme, gérant d’un restaurant snack, a été assigné à résidence depuis le 15 novembre 2015 dans le cadre de l’état d’urgence suite aux attentats de Paris au motif qu’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Le ministre de l’Intérieur s’était fondé sur ce que l’intéressé « était proche des membres de la cellule terroriste Cannes Torcy » démantelée en 2012, qu’il est « toujours proche de la mouvance salafiste » et qu’il a « été vu faisant du sport en pleine nuit, en tenue paramilitaire ». En parallèle, le préfet a pris un arrêté de fermeture administrative provisoire du restaurant du requérant.
Ces deux mesures ont été suspendues par le juge des référés du tribunal administratif. Saisi par le ministre de l'Intérieur, le juge des référés du Conseil d’Etat fait partiellement droit à la demande du ministre puisqu'il annule uniquement l’ordonnance ayant suspendu l’exécution de l’arrêté assignant l’intéressé à résidence. Le juge considère le ministre de l’intérieur s’est fondé, pour prendre cette mesure, sur les éléments mentionnés dans deux notes blanches des services de renseignement et qu’il a fournis en appel de nouveaux éléments, dont une nouvelle note blanche, tous ces éléments ont été soumis au débat contradictoire. Le juge retient que l’intéressé fréquente de façon très régulière une salle de prière de tendance salafiste et une mosquée qui accueille depuis 2015 un imam provenant d’une mosquée radicale. Par ailleurs, l’intéressé reconnaît que trois membres de la cellule terroriste qui a été démantelée fréquentaient son établissement entre 2012 et 2013. Il est connaît également d’autres membres de cette cellule et est en lien avec certaines sur les réseaux sociaux. Enfin, le témoin du mariage de l’intéressé, qu’il connaît de longue date, est un islamiste radical ayant séjourné et combattu au Yémen. Le Conseil d’Etat considère que même si les faits constatés dans son établissement remontent à 2013 et si certains éléments des notes blanches ne peuvent être repris dans la présente ordonnance en raison de leur imprécision, alors même que la perquisition administrative dont il a fait l’objet sur le fondement de la loi du 5 avril 1955 n’a, à ce jour, rien révélé d’anormal, il n’apparaît pas cependant au vu de l’ensemble de ces éléments ainsi recueillis tout au long de l’instruction qu’en prononçant l’assignation à résidence de l’intéressé au motif qu’il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics et en en fixant les modalités d’exécution, le ministre de l’Intérieur, conciliant les différents intérêts en présence, ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Concernant la fermeture de l’établissement dont l’intéressé est gérant, le juge des référés considère qu’il apparaît en l’état de l’instruction qu’en prononçant cette fermeture au motif qu’il existait de sérieuses raisons de penser que son ouverture présentait une menace grave pour la sécurité et l’ordre public, le préfet a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre de l’intéressé. Le juge considère notamment qu’en se fondant sur la circonstance que se déroulerait « selon toute vraisemblance » dans cet établissement une activité de propagande et de prosélytisme, le préfet n’a pas justifié que l’ouverture du restaurant présenterait en novembre 2015 une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics, la cellule terroriste ayant été démantelée et ses membres n’ont plus fréquenté l’établissement depuis 2013. Par ailleurs, si, en 2013, des délinquants ont été interpellés dans ce lieu en possession de bijoux volés et si, la même année, des écoutes téléphoniques ont révélé que cet établissement était fréquenté par des voleurs de voitures, aucun élément au dossier ne fait apparaître que d’autres personnes suspectes d’activité menaçant l’ordre public s’y seraient réunies depuis plus de deux ans. Enfin, les circonstances que le snack a fait l’objet d’une fermeture administrative d’un jour pour un motif sanitaire et que des riverains se seraient plaints récemment sur internet de désagréments résultant de son ouverture nocturne ne sont pas de nature à justifier une fermeture administrative en application de la loi du 5 avril 1955. |
Note de contenu : | Ordonnance n° 395620 et 395621 |
En ligne : | http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Ordonnance-du-6-janvier-2016-ministre-de-l-interieur-c-M.-A-B |