
Document public
Titre : | Décision relative à l’irrecevabilité de la requête d’une personne condamnée pour injure publique en raison du caractère négationniste et antisémite de son spectacle : M'Bala M'Bala c. France |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/11/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 25239/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Judaïsme [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Liberté d'expression [Géographie] France |
Résumé : |
L’affaire concerne la condamnation de Dieudonné M’Bala M’Bala, engagé en politique pour injure publique envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce, les personnes d’origine ou de confession juive.
En décembre 2008, à la fin de son spectacle, le requérant avait invité Robert Faurisson, un universitaire condamné en France à plusieurs reprises en raison de ses thèses négationnistes et révisionnistes consistant à nie l’existence des chambres à gaz dans les camps de concertation, à le rejoindre sur scène pour recevoir les applaudissements du public et se faire remettre le « prix de l’infréquentabilité et de l’insolence ». Ce prix, symbolisé par un chandelier à trois branches coiffées de trois pommes, lui avait été remis par un figurant vêtu d’un pyjama rayé sur lequel avait été cousue une étoile jaune portant la mention « juif », qualifié d’ « habit de lumière », le représentant ainsi en déporté juif des camps de concentration. Invoquant l’article 7 (pas de peine sans loi) et 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme, le requérant se plaignait d’avoir été condamné pour injure publique envers des personnes d’origine ou de confession juive. La CEDH déclare, à la majorité, la requête irrecevable. Elle juge qu’en l’espèce, au cours du passage litigieux, la soirée avait perdu son caractère de spectacle de divertissement pour devenir un meeting qui, sous couvert de représentation humoristique, valorisait le négationnisme par le biais de la place centrale donnée à l’intervention de Robert Faurisson et dans la mise en position avilissante des victimes juives des déportations face à celui qui nie leur extermination. Aux yeux de la Cour, il ne s’agissait pas d’un spectacle qui, même satirique ou provocateur, relèverait de la protection de l’article 10 de la Convention, mais en réalité, dans les circonstances de l’espèce, d’une démonstration de haine et d’antisémitisme, ainsi que d’une remise en cause de l’holocauste. Travestie sous l’apparence d’une production artistique, elle est aussi dangereuse qu’une attaque frontale et abrupte, tout en représentant l’expression d’une idéologie qui va à l’encontre des valeurs de la Convention. Partant, dès lors que le faits litigieux ont un caractère négationniste et antisémite marqué, la CEDH considère que Dieudonné M’Bala M’Bala tente de détourner l’article 10 de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d’expression à des fins contraires au texte et à l’esprit de la Convention et qui, si elles étaient admises, contribueraient à la destruction des droits et libertés garantis par la Convention. En conséquence, la Cour estime qu’en vertu de l’article 17 (interdiction de l’abus de droit) de la Convention, le requérant ne peut bénéficier de la protection de l’article 10 et sa requête doit être rejetée comme étant incompatible avec les dispositions de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158752 |