Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'accès à un tribunal et à la procédure visant le retour en Suisse des enfants déplacés en France : Henrioud c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/11/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 21444/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Justice [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Non-respect de la procédure [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Cour de cassation [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Justice familiale [Géographie] Suisse [Géographie] France |
Résumé : |
Le requérant, un ressortissant suisse est le père de deux enfants nés en 1997 et 2001. En juillet 2008, l’épouse du requérant a quitté le domicile familial situé en Suisse avec les enfants pour s’installer en France et ce malgré une ordonnance d’interdiction de quitter le territoire suisse prononcé par le juge suisse. Par la suite, cette ordonnance a été révoquée par le juge au motif que l’épouse n’en a eu connaissance qu’après son départ. Il a contesté cette décision devant le juge suisse. En parallèle, il a formulé une demande de retour de ses enfants auprès des autorités françaises.
Le tribunal de grande instance a rejeté la demande du procureur de la République visant le retour des enfants en Suisse au motif que la mère n’avait pas eu connaissance de l’ordonnance lui interdisant de quitter le territoire suisse au moment de son départ et que cette ordonnance a été révoquée ultérieurement. Le procureur a fait appel de ce jugement. Le requérant a déposé des conclusions d’intervention volontaire auprès de la Cour d’appel demandant le retour immédiat de ses enfants. Il n’a toutefois pas mentionné le recours exercé contre la décision de révocation de l’ordonnance interdisant à la mère de quitter la Suisse. La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance au motif que n’ayant pas exercé de recours contre la décision de révocation de la mesure protectrice, le requérant a acquiescé au non-retour des enfants en Suisse. La Cour de cassation a déclaré les pourvois du procureur général et du requérant irrecevables pour non-respect d’une condition de forme. En effet, le procureur n’avait pas joint à son pourvoi dans le délai requis l’acte de signification de l’arrêt d’appel attaqué, conformément à l’article 979 du code de procédure civil applicable à l’époque des faits. Invoquant l’article 6§1 (droit d’accès à un tribunal), le requérant se plaignait de la violation de son droit d’accès à un tribunal du fait de l’irrecevabilité de son pourvoi. Par ailleurs, invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) il soutient que les autorités françaises n’avait pas fait preuve de la diligence nécessaire dans le cadre de la procédure litigieuse et qu’elles n’avaient pas déployé des efforts suffisants et adéquats pour faire respecter le droit au retour de ses enfants. La CEDH juge à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle note que la condition de recevabilité litigieuse a été supprimée récemment par décret. Elle rappelle que la Convention de La Haye charge les autorités centrales des Etats d’introduire ou de favoriser l’ouverture d’une procédure judiciaire permettant le retour des enfants. En France, cette autorité transmet le dossier au parquet, qui a un rôle central dans cette procédure. Quant au parent dont l’enfant a été déplacé, il a la faculté de saisir directement mais il n’est pas tenu de le faire. La CEDH estime donc que le requérant ayant été informé du pourvoi formé par le procureur général, il pouvait légitimement penser que ce dernier avait respecté les conditions imposées pour sa recevabilité. Elle note que le procureur général avait reconnu la tardiveté de la signification et requis une application exceptionnellement souple des règles de procédure au vu de l’enjeu du litige au regard de l’intérêt supérieur des enfants. La CEDH conclut que le requérant a été privé de son droit d’accès à un tribunal car la Cour de cassation a fait preuve d’un formalisme excessif en prononçant l’irrecevabilité de son pourvoi en raison du non-respect d’une condition de forme imputable au procureur général près de la Cour d’appel. En revanche, la Cour estime qu’il n’y a pas eu de violation du droit à la vie privée du requérant en ce qui concerne la procédure devant la Cour d’appel. En effet, la Cour constate que le requérant n’a jamais fait mention du recours exercé (en Suisse) contre la révocation de l’interdiction faite à la mère de quitter le territoire Suisse. La Cour estime par conséquent que le requérant qui était intervenant volontaire et représenté par un avocat, n’a pas fourni à la Cour d’appel les éléments essentiels pour contester son acquiescement au non-retour des enfants. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158354 |