Document public
Titre : | Décision MLD-2015-264 du 25 novembre 2015 relative à une rupture du contrat de collaboration d’une avocate à son retour de congé maternité |
Voir aussi : | |
est cité par : |
|
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi privé (2011-2016), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 25/11/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-2015-264 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Rapport annuel 2015 [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Avocat |
Résumé : |
Madame C est embauchée, en qualité d’avocate en contrat de collaboration libérale. Alors que les relations de travail se déroulent de façon satisfaisante et que la réclamante perçoit de manière régulière des augmentations de rétrocessions d’honoraires, elle constate une dégradation de ses conditions de travail à l’annonce de sa grossesse – reproches professionnels, contrôle accru, propos désobligeants.
Elle connait alors de nombreux arrêts maladie. Le cabinet décide ensuite de rompre son contrat de collaboration peu de temps après son retour de congé maternité. Interrogé dans le cadre de l’enquête diligentée par le Défenseur des droits, le cabinet indique que la rupture des relations de travail est motivée par l'insuffisance professionnelle de la réclamante dans plusieurs dossiers dans lesquels elle aurait commis des manquements et dont les clients du cabinet se seraient plaints. Toutefois, il ressort des explications et des éléments communiqués qu’aucun reproche formalisé n’a jamais été fait et que toutes les insuffisances mentionnées par le cabinet sont bien antérieures à la date à laquelle le cabinet aurait décidé de rompre son contrat. Le Défenseur des droits considère que la rupture du contrat de collaboration de Madame C est en lien avec son état de grossesse et son sexe et décide de transmettre ses observations au Bâtonnier. Par ailleurs, il décide de saisir l’Ordre des avocats de la présente procédure estimant que les faits portés à sa connaissance lui paraissent de nature à justifier une sanction. Il convient de préciser que le Défenseur des droits a été saisi à 3 reprises par des anciennes salariées et/ou collaboratrices du cabinet d’avocats. Le cabinet emploie une vingtaine de collaborateurs et est reconnu pour son expertise en droit public. Des enquêtes approfondies ont été diligentées dans ces dossiers et 3 décisions ont été rendues par le Défenseur des droits : MLD 2015-264 adoptée en collège le 25.11.2015, MLD 2016-80 (23.03.2016) et MLD 2016-167 (21.06.2016). |
Collège Défenseur des droits : | Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité |
Date de réponse du réclamant : | 19/01/2016 |
Suivi de la décision : |
Madame C. et le cabinet d'avocat ont transigé concernant sa situation individuelle. Toutefois, l’Ordre des avocats, averti de plusieurs manquements concernant ce cabinet, aussi bien pour des faits de discrimination que d’atteinte à la vie privée de ses collaborateurs, décide d’engager des poursuites disciplinaires, ce qu’avait demandé le Défenseur des droits en utilisant son pouvoir issu de l’article 29 de la loi n°2011-333. Par courrier du 19 janvier 2016, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, Maître Frédéric SICARD, indique au Défenseur des droits accuser réception de la décision susmentionnée et que « des poursuites disciplinaires seront engagées à l’encontre de Maître X ». Le 13 juillet 2017, le Bâtonnier communique, à titre confidentiel, au Défenseur des droits l’arrêté rendu par le Conseil de discipline le 6 décembre 2016. L’arrêté précise que les transactions ainsi régularisées entre les parties n’ont d’effet qu’entre les parties à cette transaction et n’interdisent pas au Bâtonnier, en sa qualité d’autorité de poursuites, de saisir le Conseil de discipline des avocats. Le Conseil de discipline de l’ordre des avocats reprend ensuite l’argumentaire du Défenseur des droits, dans sa décision du 6 décembre 2016, en indiquant que « considérant que les éléments relevés par le Défenseur des droits dans les cas MLD-2016-080 et de Madame C ne sont fondamentalement pas remis en cause par l’analyse des pièces produites dans le cadre de la présente instance, il sera considéré que les conditions de la fin du contrat de collaboration sont particulièrement vexatoires, car sans lien avec la performance individuelle de la collaboratrice et accompagnées de pressions et de procédés stigmatisant. Que si l’absence de motivation est la règle en cas de cessation d’une collaboration libérale, celle-ci ne saurait permettre une attitude vexatoire ou de nature à adopter un comportement discriminatoire. Cette attitude (…) et les circonstances de celles-ci doivent être assimilées à un manquement aux principes essentiels ». Le Conseil conclut ainsi au fait que Maître X s’est rendu coupable de violations des principes essentiels de la profession prévus par le règlement intérieur et prononce à son encontre une sanction de 9 mois d’interdiction d’exercice assortie du sursis, de privation du droit de faire partie de l’Ordre, du Conseil national des Barreaux et tout autre organisme professionnel et de présentation aux fonctions de Bâtonnier pendant une durée de 5 ans. Cet arrêté revêt une importance toute particulière en ce que l’Ordre des avocats reconnait la discrimination dans ces dossiers, en dépit de la liberté de rompre sans motif un contrat de collaboration libérale, ce qui n’était jusqu’à présent pas le cas ; les avocats bénéficiant d’une sorte de « protection entre pairs ». Il considère également que l’acte de discriminer pour un avocat équivaut à un manquement aux règles essentielles de la profession et sanctionne son auteur. De plus, il convient de relever que le Défenseur des droits a utilisé son pouvoir issu de l’article 29 de la loi n°2011-333 qui prévoit que « Le Défenseur des droits peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction. Cette autorité informe le Défenseur des droits des suites réservées à sa saisine et, si elle n'a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision », pouvoir qui a pesé de façon assez significative dans ces dossiers. |
Documents numériques (1)
DDD_DEC_20151125_MLD-2015-264.pdf Adobe Acrobat PDF |