Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère justifié de la différence de traitement entre les femmes et les hommes en matière de bonification pour enfant |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour administrative d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 24/09/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 13PA00264 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Égalité femme - homme [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Fonctionnaire [Mots-clés] Militaire [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Retraite [Mots-clés] Pension de retraite [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Congé de maternité |
Résumé : |
Un fonctionnaire de l’État avait demandé son admission à la retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension en qualité de père de cinq enfants et l’octroi de la bonification indiciaire prévue à ce titre par l’article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter le 1er octobre 2004 mais s’est vu refuser l’octroi de la bonification pour enfants. Il a contesté en vain ce refus devant le juge administratif.
Estimant que le législateur, le pouvoir réglementaire et les juridictions administratives françaises avaient violé plusieurs normes communautaires et issues de la Convention européenne des droits de l’homme, l’intéressé a recherché la responsabilité de l’Etat devant le tribunal administratif. Sa demande a toutefois été rejetée. La Cour administrative d’appel rejette à son tour la requête de l’intéressé. Elle énonce que par un arrêt du 17 juillet 2014, la CJUE, statuant sur renvoi préjudiciel, a estimé que l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne (devenu l’article 157 du TFUE) doit être interprété en ce sen que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. La cour d’appel ajoute que la CJUE a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. La Cour administrative d’appel considère que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il est constant qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. Les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. Elle ajoute que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d’une étude statistique du service des retraites de l’État, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants. Selon ces données chiffrées, les écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants et la suppression de la bonification par enfant aurait pour conséquence l'aggravation de ces écarts. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. La Cour estime que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du TFUE, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées. Par ailleurs, la loi du 21 août 2003 sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en réservant le bénéfice automatique de la bonification aux femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004, a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître. Elle conclut que la différence de traitement dont bénéficient indirectement les fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b) de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Les dispositions litigieuses ne méconnaissent ni le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du TFUE, ni les stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme. Le requérant n’est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif et le Conseil d’État qui se sont prononcés sur le litige l'opposant à l’État concernant la liquidation de sa pension auraient entaché leurs décisions respectives d'une violation caractérisée des dispositions communautaires garantissant le respect du principe d'égalité entre les hommes et les femmes, ni le droit à un procès équitable. Par la suite, le requérant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de l’État résultant de la violation des principes précités par la juridiction administrative. La Cour rejette la demande du requérant visant à saisir la CJUE d'une nouvelle question préjudicielle. |
Visa du préjudice lié à la discrimination ? : | Non |
En ligne : | http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000031240240&fastReqId=465182530 |
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