
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait qu'une gifle infligée par les policiers à une personne se trouvant sous leur contrôle constitue un traitement dégradant : Bouyid c. Belgique |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/09/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 23380/09 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Violence sans arme [Mots-clés] Violence physique [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Géographie] Belgique |
Résumé : |
L'affaire concerne deux jeunes hommes, dont un mineur, giflés par des agents de police alors qu'ils se trouvaient sous leur contrôle au commissariat.
En novembre 2013, la CEDH avait conclu à l’unanimité à la non-violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit des traitements inhumains ou dégradants. La Cour avait retenu que, en les supposant avérés, les actes dénoncés ne constituaient pas, dans les circonstances de la cause, des traitements contraires à l'article 3. L'affaire a été renvoyée devant la grande chambre de la CEDH qui juge à la majorité que ces gifles ont porté atteinte à la dignité de deux requérants et qu'elles constituent un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, elle conclut à l’unanimité à la violation de l'article 3 dans son aspect procédural faute d'enquête effective sur les faits. La Cour considère que l'impact d'une gifle sur la personne qui la reçoit est considérable. Atteignant son visage, elle touche la partie du corps qui exprime son individualité, marque son identité sociale et constitue le support des sens qui servent à communiquer avec autrui. S'agissant de l'établissement des faits, la CEDH indique que pour faire bénéficier de la présomption de mauvais traitement, il appartient à la personne qui se dit victime d'une violation de l'article 3 de démontrer qu'elle présente des traces de mauvais traitement subis alors qu'elle se trouvait entre les mains de la police. La Cour reconnaît une importante valeur probante aux certificats médicaux décrivant des blessures ou des traces de coups. Elle estime qu'en l'espèce, les faits sont avérés. La Cour rappelle qu'il peut suffire que la victime soit humiliée à ses propres yeux pour qu'il y ait traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. Même isolée, non préméditée et dénuée d'effet grave ou durable, une gifle peut être perçue, selon la Cour, comme une humiliation par la personne qui la reçoit et ce d'autant plus lorsqu'elle infligée par des agents des forces de l'ordre à des personnes qui se trouvent sous leur contrôle et surligne le rapport de supériorité-infériorité qui caractérise par essence la relation entre les personnes dans de telles circonstances. La Cour ajoute que le fait pour les victimes de savoir qu'un tel acte est illégal peut en outre susciter en elles un sentiment d'arbitraire, d'injustice et d'impuissance. Elle souligne la situation de vulnérabilité des personnes qui se trouvent entre les mains de la police ou d'une autorité comparable et ces dernières ont le devoir de les protéger. La grande chambre estime que le fait que la gifle ait pu être infligée inconsidérément par un agent excédé est dénué de pertinence. Même dans les circonstances les plus difficiles, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants, quel que soit le comportement de la personne concernée. La Cour estime que dans une société démocratique, les mauvais traitements ne constituent jamais une réponse adéquate aux problèmes auxquelles les autorités sont confrontées. Enfin, la Cour relève qu'un de deux requérants, âgé de 17 ans à l'époque de faits était mineur et souligne qu'un mauvais traitement est susceptible d'avoir un impact psychologique plus important sur lui que sur un adulte. La Cour avait déjà souligné de nombreuses fois la vulnérabilité des mineurs dans le contexte de l'article 3 de la Convention. Elle estime qu'il est donc essentiel que lorsque les agents de la force de l'ordre sont en contact avec des mineurs, ils tiennent dûment compte de la vulnérabilité inhérente au jeune âge de ces derniers. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-157376 |