Document public
Titre : | Arrêt relatif au non-retour des enfants illicitement retenus en Pologne par leur mère malgré le désaccord du père résidant en Suisse : R.S. c. Pologne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/07/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 63777/09 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Garde de l'enfant [Géographie] Suisse [Géographie] Pologne |
Résumé : |
L’affaire concerne le refus des tribunaux polonais d’ordonner le retour en Suisse des enfants déplacés et maintenus en Pologne par leur mère.
Le requérant, ressortissant polonais résidant en Suisse où sont nés ses deux enfants en 1998 et 2002, soutient que les tribunaux polonais n’ont pas appliqué correctement la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Il soutient notamment qu’ils se seraient prononcés sur la base de la décision relative à l’octroi de la garde des enfants adoptées dans le cadre de la procédure de divorce en Pologne, sans tenir compte de ce que le requérant n’avait jamais consenti à ce que les enfants restent en Pologne ni de ce que leur lieu de résidence habituelle à l’époque était la Suisse. En effet, en octobre 2008, la mère avait refusé de ramener les enfants en Suisse, pays de leur résidence habituelle, à la fin des vacances scolaires passées en Pologne comme convenu avec le père. En juin 2009, le juge polonais a refusé d’ordonner le retour des enfants en Suisse en estimant que ni le déplacement des enfants ni leur maintien en Pologne n’étaient pas illicites au motif que le requérant avait consenti au voyage des enfants en Pologne et que la mère avait obtenu la garde temporaire pendant ce voyage dans le cadre d’une procédure de divorce engagée devant les juridictions polonaises. La CEDH conclut à la violation du droit au respect de la vie familiale du requérant. Elle rappelle que dans le domaine de l'enlèvement international d'enfants, les obligations imposées aux États par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme doit être interprétée à la lumière des exigences de la Convention de La Haye et celles de la Convention relative aux droits de l'enfant. La CEDH considère que le déplacement des enfants en Pologne avec l’accord du père pour la période de deux semaines de vacances scolaires ne peut être regardé comme illicite au sens de l’article 3 de la Convention de La Haye. Toutefois, tel n’est pas le cas de leur maintien en Pologne après les vacances scolaires. La Cour note que la mère avait engagé la procédure de divorce devant les tribunaux polonais et demandé la garde temporaire des enfants dès septembre 2008. Le père n'était ni informé de la tenue de l'audience relative à cette décision ni convoqué à s'y présenter. Les tribunaux polonais se sont fondés sur la décision relative à l’octroi de la garde des enfants, postérieure au départ des enfants de Suisse, pour estimer que le maintien des enfants en Pologne était légal. Pour refuser d’ordonner leur retour en Suisse, ils se sont fondé sur la loi polonaise et ont ignoré la loi de la résidence habituelle des enfants (loi suisse) pour apprécier la licéité du déplacement et du maintien des enfants en Pologne. Or, la CEDH rappelle que conformément à la Convention de La Haye le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde attribué par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour (donc la loi suisse en l’espèce). L’application de la loi polonaise a permis de passer outre l’absence de consentement du père au maintien permanent des enfants en Pologne. Par ailleurs, la CEDH souligne qu’une période de six mois s’est écoulée entre la demande du requérant visant le retour des enfants et la décision du juge polonais refusant d’ordonner le retour des enfants alors que la Convention de La Haye impose un délai de six semaines. Ce retard n’est pas justifié par les autorités polonaises. Enfin, la CEDH note que la question de l’intérêt des enfants n’a pas été discutée et qu’il n’était ni soutenu et encore moins allégué que le retour des enfants en Suisse serait contraire à leur intérêt en raison du comportement du père. En conséquence, la CEDH juge par quatre voix contre trois que la Pologne a manqué à protéger le droit du requérant au respect de sa vie familiale en violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH ajoute qu’en raison de l’âge des enfants qui atteindront bientôt la majorité, le présent arrêt ne doit pas être interprété comme obligeant la Pologne à prendre des mesures ordonnant le retour des enfants en Suisse. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-156261 |