
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'existence potentielle d'une discrimination fondée sur l'origine ethnique rom de la majorité des habitants du seul quartier où les compteurs électriques sont installés à une hauteur inaccessible : CHEZ Razpredelenie Bulgaria AD c. Komisia za zashtita ot diskriminatsia et Anelia Nikolova |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/07/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-83/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Origine [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Électricité [Mots-clés] Égalité de traitement [Géographie] Bulgarie |
Résumé : |
L’affaire concerne le placement dans un quartier habité essentiellement par des personnes d’origine rom des compteurs électriques faisant partie du réseau de la ligne électrique aérienne à une hauteur de six à sept mètres contrairement aux autres quartiers où les compteurs sont placés à une hauteur de moins de deux mètres. Cette mesure vise à prévenir des manipulations de compteurs électriques et des branchements illicites. Une commerçante du quartier (qui elle-même n’est pas d’origine rom) a saisie l’autorité indépendante bulgare chargée de lutter contre les discriminations en faisant valoir que cette pratique était due au fait que la grande majorité des habitants de son quartier était d’origine rom.
L’autorité indépendante a estimé que cette pratique constituait une discrimination indirecte fondée sur la situation personnelle de la commerçante du fait du lieu où était implanté son établissement et la plaçait dans une situation désavantageuse par rapport aux autres clients de l’entreprise de distribution d’électricité dont les compteurs étaient placés à des endroits accessibles. L’autorité avait enjoint à la société de mettre fin à cette discrimination et de s’abstenir de ce type de comportement discriminatoire à l’avenir. La juridiction bulgare saisie par l’entreprise a décidé de sursoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la CJUE. Il s’agit de savoir si la pratique litigieuse constitue une discrimination fondée sur l’origine ethnique. Une directive de l’Union sur l’égalité de traitement (n° 2000/43/CE) interdit toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique en ce qui concerne, notamment, l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services. La CJUE relève que le principe de l’égalité de traitement s’applique non seulement aux personnes ayant une certaine origine ethnique, mais également à celles qui, bien que n’appartenant pas elles-mêmes à l’ethnie concernée, subissent conjointement avec les premières un traitement moins favorable ou un désavantage particulier en raison d’une mesure discriminatoire. Elle souligne que la présence dans le quartier en cause d’habitants qui ne sont pas d’origine rom n’exclue pas, en soi, que la pratique contestée ait été instituée en raison d’origine ethnique rom de la plupart des habitants. Le juge bulgare saisi du litige devra prendre en compte toutes les circonstances entourant cette pratique afin de déterminer si celle-ci a été effectivement instituée pour une telle raison et constitue ainsi une discrimination directe en vertu de la directive. La juridiction nationale devra également tenir compte du caractère imposé, généralisé et durable de la pratique litigieuse. Celle-ci touchant tous les habitants du quartier qu’ils soient rom ou non, indépendamment de la question de leur comportement individuel d’abus, peut être perçue comme suggérant que ces habitants sont, dans leur ensemble, considérés comme des auteurs potentiels de comportements illicites. La CJUE considère que dans ce contexte, la pratique litigieuse constitue un traitement défavorable au détriment des habitants concernés en raison tant de son caractère offensant et stigmatisant que de l’extrême difficulté pour eux de consulter leur compteur électrique aux fins de contrôler leur consommation. A défaut de constituer une discrimination directe, la pratique litigieuse pourrait constituer une discrimination indirecte (une mesure qui apparemment neutre affecte dans des proportions considérablement plus importantes les personnes d’origine rom). La CJUE reconnaît que la pratique contestée constitue un moyen approprié pour réaliser les objectifs légitimes (protection de la sécurité du réseau et suivi approprié de la consommation d’électricité). Toutefois, il appartiendra au juge bulgare d’examiner si d’autres mesures appropriées et moins contraignants existaient pour résoudre les problèmes d’abus. Enfin, la Cour estime que même s’il n’existe aucune autre mesure aussi efficace que la pratique litigieuse pour atteindre les objectifs précités, cette pratique semble d’être démesurée par rapport à ces objectifs et aux intérêts légitimes des habitants du quartier concerné, ce qu’il appartiendra au juge national de vérifier. |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=roms&docid=165912&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=502466#ctx1 |