Document public
Titre : | Deux arrêts relatifs à la condamnation de l’Etat en raison de contrôles d’identité fondés sur des motifs discriminatoires |
Voir aussi : |
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Titre suivant : |
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Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 24/06/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 13/24261;13/24262 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Contrôle d'identité [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Fonctionnement du système judiciaire |
Résumé : |
En octobre 2011, les deux requérants, jeunes français d’origine africaine et nord-africaine, âgés de 19 et 20 ans, ont fait l’objet d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre alors qu’ils se trouvaient à la terrasse d’un établissement de restauration rapide villeurbannais. Les policiers avaient procédé à la fouille des deux personnes et le contrôle s'est terminé sans incident.
Estimant avoir étés victimes de discrimination, les deux jeunes hommes, ont saisi le tribunal de grande instance visant à mettre en cause la responsabilité de l’État pour les contrôles d’identité discriminatoires et à obtenir la réparation du préjudice. Toutefois, en absence de preuve d’un comportement discriminatoire de la part des fonctionnaires de police constitutif d’une faute lourde, le tribunal les a déboutés. Le Défenseur des droits, saisi par les requérants ainsi que 11 autres personnes qui s’estimaient victime de contrôle au faciès, a décidé de présenter ses observations devant la Cour d’appel. Le Défenseur qui n’entend pas se prononcer sur les faits de chaque espèce, invite la Cour à s’interroger sur la manière dont les textes applicables peuvent être interprétés pour offrir au justiciable des garanties suffisantes contre le risque de voir les contrôles d’identité échapper à tout contrôle juridictionnel effectif et se demander si le recours pour fonctionnement défectueux du service de la justice constitue une voie de recours effective à l’encontre des contrôles d’identité abusifs, au sens de la jurisprudence de la CEDH, et en particulier utilement accessible aux personnes alléguant avoir fait l’objet de contrôles d’identité fondés sur des motifs discriminatoires. La Cour d’appel prend en compte les observations présentées par le Défenseur des droits. Elle énonce qu’au regard des principes fondamentaux résultant tant des normes internationales, qu’européennes que nationales, il est acquis, qu’un contrôle d’identité, opéré sur des motifs discriminatoires fondés notamment sur la race ou l’origine, porterait fondamentalement atteinte au principe d’égalité de traitement que toute personne est légitimement en droit d’attendre du service public de la justice. La Cour considère qu’en absence de toute traçabilité du contrôle d’identité effectué qui n’aboutit pas à la constatation d’une infraction puisque la loi en la matière ne prévoit pas une telle obligation, constitue une entrave au contrôle juridictionnel, susceptible en elle-même de priver la personne concernée de contester utilement la mesure en cause et son caractère éventuellement discriminatoire, contraire à la jurisprudence de la CEDH portant sur le droit à un recours effectif. Elle estime qu’il convient dès lors d’aménager la charge de la preuve, il appartient aux requérants de faire la démonstration d'un faisceau de circonstances grave, précises et concordantes, l'autorité publique devant quant à elle démontrer le caractère justifié de la différence de traitement. En l'espèce, outre les statistiques d'ordre général qui constituent un élément d'appréciation en ce qu'elles révèlent qu'est "sur contrôlée" une population jeune, masculine, portant des vêtements qui sont ceux à la mode de la jeune génération issue de quartiers défavorisés et appartenant aux minorités visibles, situation notamment dénoncée par un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) de juin 2010, chacun de requérants produit l'attestation en faveur de l’autre indiquant que les autres personnes attablées à la terrasse du restaurant où ils se trouvaient étaient toutes « des blancs ». Ces déclarations ne sont pas utilement contredites par l’Etat, dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve que d’autres consommateurs auraient été soumis à l’obligation de présenter leurs documents d’identité. La Cour estime que sont ainsi réunies des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir que le contrôle litigieux a été exécuté en tenant compte de l’apparence physique des intéressés et de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. La Cour estime que si la régularité du contrôle dont les intéressés ont fait l'objet n'est pas contestée, l'autorité publique ne peut démontrer en quoi le contrôle systématique et exclusif d'un type de population, en raison de la couleur de sa peau ou de son origine, tel qu'il a été relaté par le témoin était justifié par des circonstances précises et particulières. La Cour d'appel estime que les faits dénoncés présent un caractère discriminatoire qui engage la responsabilité de l’État peu importe que le contrôle se soit déroulé sans que n'aient été tenus de propos humiliants ou insultants. Dans les deux affaires, l’État est condamné à verser aux intéressés une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. |
Note de contenu : | N.B. : Sur les treize arrêts (concernant sept différentes affaires) rendus le même jour par la Cour d’appel de Paris, le caractère discriminatoire des contrôles d'identité a été reconnu dans deux affaires (cinq personnes sont concernées au total). |
Visa du préjudice lié à la discrimination ? : | Oui |
Type de préjudice indemnisé : | Moral |
Dommages-intérêts alloués en raison de la discrimination (en euros) : | 1500 |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
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