Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité de la requête concernant l'établissement judiciaire de la paternité d'un homme ayant refusé de se soumettre au test ADN : Canonne c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/06/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 22037/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Examen médical [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Paternité [Mots-clés] Bioéthique [Mots-clés] Caractéristiques génétiques [Géographie] France |
Résumé : |
L'affaire concerne l'établissement judiciaire de la paternité fondé sur le refus du requérant de se soumettre à l'expertise génétique ordonnée par le juge.
En 2002, une mère d'une fille née en 1982 et reconnue six ans plus tard par un homme, assigne le requérant devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de paternité. En parallèle, elle assigne l'homme ayant reconnu son enfant en nullité de sa reconnaissance de paternité. L'expertise réalisée à la demande du tribunal exclue de manière certaine la paternité du père légal. En janvier 2006, le juge ordonne une expertise en vue de dire si le requérant pouvait ou non être le père. Ce jugement est confirmé en appel en octobre 2007. Le requérant n'ayant pas déféré à ses convocations pour se soumettre à l'expertise, l'expert a déposé un rapport de carence. En octobre 2009, le tribunal, tirant des conclusions du refus de requérant de se plier à l'expertise, juge que l'intéressé était le père de l'enfant et ordonne que la mention en soit faite en marge de l'acte de naissance de celle-ci. Le requérant a contesté en vain ce jugement devant la Cour d'appel. Il soutenait qu'en déduisant sa paternité de son refus de se soumettre à une expertise, le tribunal avait méconnu le principe constitutionnel de l'inviolabilité du corps humain. La Cour de cassation a rejeté son pourvoi. Invoquant l'article 6§1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l'homme, le requérant critique le défaut de motivation des décisions prises par la Cour de cassation à l'encontre de son pourvoi. Il se plaint que certaines pièces produites devant les juridictions internes n'ont pas répondu au principe de loyauté de la preuve. Par ailleurs, invoquant l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) pris isolément et combiné avec l'article 6§1, il se plaint du fait que les juridictions internes ont déduit sa paternité de son refus de se soumettre à l'expertise génétique qu'elles avaient ordonnée. Il souligne qu'en droit français, les personnes qui sont défendeurs à une action de paternité, se trouvent obligées de se soumettre à un test ADN pour établir leur non-paternité. Il dénonce une atteinte au principe de l'inviolabilité du corps humain qui, selon lui, interdit en matière civile toute exécution forcée d'une expertise génétique. Le CEDH juge à l'unanimité la requête manifestement mal fondée et donc irrecevable. Elle estime que l'ingérence dans l'exercice par le requérant de son droit au respect de la vie privée était prévue par la loi et que le but poursuivi visait à garantir à l'enfant le plein exercice de son droit au respect de sa vie privée, lequel comprend le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le droit à la reconnaissance juridique de sa filiation. Un tel objectif relève, selon la Cour, de la "protection des droits et libertés d'autrui" au sens du second paragraphe de l'article 8. La Cour rappelle que les États disposent d'une imposante marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de mettre en balance les droits fondamentaux concurrents de deux individus. Elle souligne que les juridictions françaises ne se sont pas fondées sur le seul refus de l'intéressé de se soumettre à l'expertise génétique demandée pour le déclarer père de l'enfant. Ce refus est venu conforter une conclusion déjà partiellement établie au vu des autres éléments (documents, témoignages, déclarations de chacune des parties). En prenant en compte ce refus, qualifié "d'élément supplémentaire" par la Cour d'appel, et en faisant prévaloir le droit au respect de la vie privée de l'enfant sur celui du requérant, les juridictions françaises n'ont pas excédé l'importante marge d'appréciation dont elles disposaient. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-155722 |