Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'absence de recours effectif pour faire cesser ou améliorer les conditions de détention inhumaines et dégradantes : Yengo c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/05/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 50494/12 |
Format : | 28 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Géographie] Outre-mer [Géographie] France |
Résumé : |
L’affaire concerne les conditions de détention d’un prisonnier incarcéré au centre pénitentiaire en Outre-mer (Nouvelle Calédonie).
Placé en détention provisoire fin août 2011, l’intéressé a contesté en vain les conditions de détention devant le juge judiciaire, demandant par ailleurs sa libération. Il soutenait notamment que la cellule de 15m2 accueillant six détenus, était exiguë, ce qui obligeait ses occupants à rester constamment allongés sur le lit. Il dénonçait en outre les conditions d’hygiène particulièrement déplorable et manque d’intimité lors d’utilisation des sanitaires. Devant la Cour de cassation, il s’était prévalu des recommandations « en urgence » du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) à la suite de sa visite du centre pénitentiaire. Toutefois, en absence d’allégations propres à l’intéressé et suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale, la Cour de cassation avait rejeté son pourvoi. Pendant sa détention, l’intéressé avait par ailleurs saisi le juge des référés du tribunal administratif qui a condamné l’Etat à verser à l’intéressé (libéré en mai 2012) ainsi qu’à plusieurs autres détenus, une provision pour réparation du préjudice moral subi du fait de leurs conditions de détention. Devant la CEDH, l’intéressé se plaigne de ses conditions de détention ainsi que de l’absence de recours effectif à cet égard. Il invoque les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme. Tout d’abord, la Cour estime que le juge des référés a redressé définitivement la violation alléguée de l’article 3 de la Convention en reconnaissant le caractère indigne des conditions de détention et en allouant une provision à ce titre. En conséquence, l’intéressé ne peut plus se prétendre « victime » d’une violation de cette disposition. S’agissant du grief tiré de l’article 13, la CEDH rappelle qu’un recours préventif en matière de conditions de détention doit permettre à la personne intéressé la cessation de la violation alléguée ou l’amélioration de ses conditions matérielles de détention. Elle considère que la demande de mise en liberté formulée par la requérant ne peut être considérée comme une voie de recours effectif au sens de l’article 13. En effet, la Cour de cassation avait conditionné la possibilité d’une mise en liberté à la mise en danger grave de la santé physique ou moral du prévenu, dont il est difficile d’apporter la preuve. Par ailleurs, cette procédure ne bénéficie pas des garanties de célérité requise pour être effective au sens de l’article 13, puisque cinq mois se sont écoulés entre la demande de mise en liberté et l’arrêt de la Cour de cassation. De même, ne peut être considérée comme effective une réclamation administrative suivie d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Enfin, quant à la procédure de référé-liberté, la CEDH note que depuis l’ordonnance du Conseil d’Etat du 22 décembre 2012 rendues à propos d'une prison située en métropole, cette voie peut permettre au juge d’intervenir en temps utile en vue de faire cesser des conditions de détention jugées contraires à l’article 3 par le CGLPL. Cependant, cette évolution jurisprudentielle étant récente et postérieure aux faits de l’espèce, la CEDH juge à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 13 puisqu’à l’époque des faits, le droit français n’offrait au requérant aucun recours susceptible de faire cesser ses conditions de détention ou d’obtenir leur amélioration. La France est condamnée à verser au requérant 4.000 euros pour dommage moral. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-154532 |
Cite : |