Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'absence de protection adéquate des participants à une manifestation contre l'homophobie agressés par des contre-manifestants : Identoba et autres c. Géorgie |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/05/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 73235/12 |
Format : | 36 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Identité de genre [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Violence [Géographie] Géorgie |
Résumé : |
Les requérants sont une organisation non gouvernementale (ONG) géorgienne ayant pour buts la promotion et la protection des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres) et plusieurs participants à la manifestation pacifique organisée en mai 2012 en Géorgie par l’ONG à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie.
Plusieurs jours avant la manifestation, l’ONG avait informé les autorités de son intention d’organiser cette et leur avait demandé de prévoir une protection suffisante contre des violences éventuelles, eu égard de certains parties de la société géorgienne envers les minorités sexuelles. La manifestation a été violement perturbée par les contre-manifestants qui ont insultés et même physiquement attaqué plusieurs manifestants qui ont demandé en vain l’aide des policiers présents sur les lieux. Les requérants ont déposés des plaintes pénales et ont demandé en particulier qu’une enquête pénale soit ouverte sur les attaques dont ils avaient fait l’objet de la part des contre-manifestants et qui, selon eux, avaient revêtu un caractère discriminatoire. Ils avaient aussi dénoncé les actes et les omissions des policiers qui ne les avaient pas protégés contre ces attaques. Les enquêtes ouvertes sur les blessures subies par deux des requérants sont toujours pendantes. Deux contre-manifestants, arrêtés pour une atteinte mineure à l’ordre public, se sont vu infliger une amende d’un montant équivalent à 45 euros. Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants individuels se plaignent que les autorités géorgiennes ne les avaient pas protégés contre les attaques violents et n’avaient pas mené d’enquête effective sur les incidents en établissant, en particulier, le mobile discriminatoire de ces attaques. Par ailleurs, ils dénoncent l’impossibilité de tenir leur manifestation pacifique en raison des attaques des contre-manifestants et de l’inaction de la police, en violation des articles 10 (liberté d’expression) et 11 (liberté de réunion et d’association). La CEDH juge à la majorité qu’il y a eu violation de l’article 3 combiné avec l’article 14 et à l’unanimité à la violation de l’article 11 combiné avec l’article 14. La Cour estime qu’eu égard à divers rapports sur la situation des personnes LGBT en Géorgie, notamment des attitudes négatives à leur égard largement répandues dans certaines parties de la société géorgienne, le caractère discriminatoire des attaques dirigés contre les participants est particulièrement clair. Elle relève qu’il n’est pas contesté que les participants ont été cible de discours de haine et de comportements agressifs. Encerclés par une foule de contre-manifestants en colère, plus nombreux qu’eux, qui ont proféraient des menaces graves et avaient recours à la violence physique au hasard, les requérants ont dû éprouver des sentiments de peur et d’insécurité suffisamment intenses pour que l’article 3 combiné avec l’article 14 de la Convention trouve à s’appliquer. Par ailleurs, alors qu’elles ont été informées bien à l’avance, les autorités, qui savaient ou auraient dû savoir que l'évènement comportait des risques et avaient donc l’obligation de fournir une protection renforcée, n’ont pas fourni une protection adéquate aux requérants. Au lieu de s’efforcer de contenir les contre-manifestants les plus agressifs afin que la manifestation puisse se poursuivre, les policiers présents, peu nombreux, ont arrêté et évacué certains requérants, c’est-à-dire les victimes mêmes qu’ils ont été appelé à protéger. En outre, la CEDH estime que l’enquête menée sur ces événements n’était pas approfondie et sérieuse. Compte tenu du niveau de violence et d’agression non justifiée à l’égard des requérants, la sanction infligée aux deux contre-manifestants (45 euros d’amende) n’était pas suffisante pour dispenser l’Etat de l’obligation procédurale qui lui incombe en vertu de l’article 3. Enfin, la Cour estime que les autorités n’ont pas veillé à ce que la manifestation organisée puisse se dérouler pacifiquement en prenant des mesures suffisantes pour contenir des contre-manifestants homophobes et violents. La Géorgie doit verser entre 2.000 et 4.000 euros à chacun des requérants et 1.500 euros à l’ONG pour préjudice moral. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-154400 |