Document public
Titre : | Requête relative au refus de rectifier la mention du sexe sur l'acte de naissance d'une personne transsexuelle n'ayant pas subi une opération de changement de sexe : Nicot c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/08/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 52596/13 |
Format : | 20 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Identité de genre [Mots-clés] Transidentité [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Stérilisation [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] France |
Résumé : |
Né et inscrit sur les registres d'état civil comme étant de sexe masculin, le requérant a adopté une apparence et un comportement social conforme à son identité de genre féminin. Il indique que si la plupart des documents de la vie courante respectent son identité de genre, tel n'est pas le cas des documents officiels (actes de l'état civil, passeport, permis de conduire, numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques) ce qui l'oblige constamment à faire état de sa trans-identité, au mépris de sa vie privée.
Le requérant avait demandé en vain la rectification de la mention du sexe sur son acte de naissance. Les juges du fond ont jugé que le changement d'état civil impliquait que soit préalablement établie le caractère irréversible du processus de changement de sexe, ce qui n'était pas le cas du requérant qui suivait un traitement hormonal féminisant mais avait conservé les organes génitaux masculins. Les juges ont estimé que faire droit à la demande de l'intéressé aboutirait en fait à la création prétorienne d'un "troisième genre". La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant en estimant que pour justifier la demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. Or, l'intéressé n'apportait pas la preuve, de nature intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe, qui ne pouvait résulter du seul fait qu'il appartenait au sexe féminin aux yeux des tiers. C'est donc sans porter atteinte aux principes posés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme mais par un juste équilibre entre impératifs de sécurité juridique et d'indisponibilité de l'état des personnes d'une part, de protection de la vie privée d'autre part, que la Cour d'appel a rejeté sa demande. Griefs : Invoquant l’article 8 de la Convention et une violation de son droit au respect de sa vie privée, le requérant se plaint du fait que les personnes qui, comme lui, sont transgenres, ne peuvent obtenir le changement de leur état civil qu’à la condition d’apporter la preuve d’un processus irréversible de changement de sexe. Selon lui, cela porte atteinte à leur dignité dès lors que cela revient à leur imposer la stérilisation. Il estime que les personnes qui, comme lui, sont transgenres, doivent être libre de définir elles-mêmes leur appartenance sexuelle et doivent se voir reconnaître le droit d’obtenir des documents officiels reflétant l’identité de genre choisie, sans condition de diagnostic préalable, ni aucune obligation d’avoir à subir une opération de conversion sexuelle ou autre procédure médicale. Invoquant l’article 14 de la Convention, le requérant soutient que subordonner le changement d’état civil à la preuve d’un syndrome de transsexualisme ou de dysphorie de genre et à la preuve d’avoir subi un processus irréversible de changement de sexe, revient à réserver l’exercice de ce droit aux personnes transsexuelles et à en priver les personnes transgenres qui, comme lui, ne se reconnaissent pas dans ce « syndrome supposé » et qui ne sont pas nécessairement désireuses de subir un processus irréversible de changement de sexe. La CEDH a communiqué l'affaire le 18 mars 2015. Questions aux parties : 1. Le « caractère irréversible de la transformation » de l’apparence implique-t-il la stérilité ? 2. Le refus de modifier la mention du sexe du requérant sur son acte de naissance au motif qu’il n’avait pas établi le caractère irréversible de la transformation de son apparence emporte-t-il violation de son droit au respect de sa vie privée et de l’article 8 de la Convention ? a) Ce grief doit-il être examiné sous l’angle des obligations négatives ou sous l’angle des obligations positives que l’article 8 de la Convention met à la charge des États parties ? b) i. Dans le premier cas, l’ingérence litigieuse était-elle prévue par la loi et poursuivait-elle l’un au moins des buts énumérés au second paragraphe de l’article 8 ? ii. Dans le second cas, quelles considérations d’intérêt général fondent le refus opposé au requérant pour un tel motif ? iii. Dans les deux cas, ce refus remplit-il la condition de proportionnalité consacrée par la jurisprudence de la Cour, eu égard en particulier à la marge d’appréciation dont disposait la France ? 3. Le refus de modifier la mention du sexe du requérant sur son acte de naissance au motif qu’il n’avait pas établi la réalité de son syndrome transsexuel et le caractère irréversible de la transformation de son apparence caractérise-t-il une discrimination dans la jouissance du droit au respect de la vie privée entre les personnes transgenres qui souhaitent bénéficier d’un traitement de conversion irréversible dans le cadre de l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée et celles qui souhaitent vivre leur identité sexuelle sans avoir à subir un tel traitement ? |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-153720 |