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Titre : | Requête relative au refus de rectifier la mention du sexe sur l'acte de naissance d'un transsexuel qui a refusé une expertise médicale visant à établir le caractère irréversible de son changement de sexe : A.P. c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/12/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 79885/12 |
Format : | 20 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Identité de genre [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Examen médical [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Stérilisation |
Résumé : |
Né et inscrit sur les registres d'état civil comme étant de sexe masculin, le requérant atteint d'un "syndrome de Benjamin" (syndrome de transsexualisme) a subi un traitement hormonal féminisant ainsi qu'une opération en Thaïlande de réassignation chirurgicale de féminisation irréversible.
Le requérant avait demandé en vain la rectification de la mention de sexe sur son acte de naissance. Le juge avait rejeté sa demande malgré les nombreux certificats médicaux au motif qu'en absence d'expertise pluridisciplinaire (le requérant l'ayant refusé comme étant irrespectueuse de son intégrité physique et morale) visant à établir que l'intéressé ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin. La Cour d'appel a approuvé le refus de rectifier la mention du sexe sur l'acte de naissance mais a ordonné la rectification de prénoms masculins du requérant. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'intéressé. Elle a jugé que pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence. En l'espèce, elle a jugé qu'après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d’une part, que le certificat faisant état d’une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d’éléments médicaux sans constater l’effectivité de l’intervention, d’autre part, que le requérant opposait un refus de principe à l’expertise ordonnée par les premiers juges, la Cour d’appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance. Griefs : Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, « éventuellement combiné avec l’article 8 », le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable, résultant de ce que les juridictions internes auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant qu’il n’avait pas apporté la preuve d’une transformation irréversible de son apparence. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant dénonce le fait que l’État français n’a pas établi un cadre juridique clair et accessible en matière de changement de sexe à l’état civil, les conditions d’un tel changement étant posées non par la loi mais par deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 11 décembre 1992 (Bulletin AP no 13). Invoquant l’article 8, combiné avec l’article 3 de la Convention, le requérant dénonce le fait que les juridictions internes ont conditionné la rectification de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance à sa soumission à une expertise médicale intrusive et dégradante. Invoquant l’article 8, combiné avec l’article 3 de la Convention, le requérant dénonce le fait que le droit positif français contraint les personnes transgenres qui, comme lui, souhaitent obtenir une modification de la mention de leur sexe à l’état civil, à subir une opération de réassignation impliquant une stérilité irréversible. Selon lui, dès lors que cette opération n’est pas consentie, il s’agit d’une atteinte à l’intégrité physique constitutive d’un traitement inhumain ou dégradant. Il considère que le constat qu’il est de genre féminin aurait dû suffire pour faire droit à sa demande de modification de son état civil, peu important son sexe biologique et donc, peu important qu’il ait ou non subi – et qu’il ait ou non prouvé – une transformation sexuelle irréversible. La CEDH a communiqué l'affaire le 18 mars 2015. Questions aux parties : 1. Le « caractère irréversible de la transformation » de l’apparence implique-t-il la stérilité ? 2. Le requérant a-t-il épuisé les voies de recours internes s’agissant du grief tiré de l’article 3 et de l’article 8 relatif au refus de modifier la mention de son sexe sur son acte de naissance au motif qu’il n’avait pas établi le caractère irréversible de la transformation de son apparence ? 3. Vu notamment la réponse à la question 1 ci-dessus, le fait de conditionner la modification de la mention du sexe sur l’acte de naissance à la démonstration du caractère irréversible de la transformation de l’apparence, revient-il à contraindre les intéressés à subir une stérilisation ? Dans l’affirmative, le requérant s’est-il en conséquence trouvé contraint de subir une atteinte à son intégrité physique ? Si tel est le cas, le seuil de gravité requis pour qu’il y ait violation de l’article 3 de la Convention est-il atteint ? 4. Le refus de modifier la mention du sexe du requérant sur son acte de naissance au motif qu’il n’avait pas établi le caractère irréversible de la transformation de son apparence emporte-t-il violation du droit du requérant au respect de sa vie privée et de l’article 8 de la Convention ? a) Ce grief doit-il être examiné sous l’angle des obligations négatives ou sous l’angle des obligations positives que l’article 8 de la Convention met à la charge des États parties ? b) i. Dans le premier cas, l’ingérence litigieuse était-elle prévue par la loi et poursuivait-elle l’un au moins des buts énumérés au second paragraphe de l’article 8 ? ii. Dans le second cas, quelles considérations d’intérêt général fondent le refus opposé au requérant pour un tel motif ? iii. Dans les deux cas, ce refus remplit-il la condition de proportionnalité consacrée par la jurisprudence de la Cour, eu égard en particulier à la marge d’appréciation dont disposait la France ? 5. Le refus de modifier la mention du sexe du requérant sur son acte de naissance au motif qu’il ne s’était pas soumis à l’expertise médicale ordonnée par le juge du fond emporte-t-il violation de son droit au respect de sa vie privée et de l’article 8 de la Convention ? a) Ce grief doit-il être examiné sous l’angle des obligations négatives ou sous l’angle des obligations positives que l’article 8 de la Convention met à la charge des États parties ? b) i. Dans le premier cas, l’ingérence litigieuse était-elle prévue par la loi et poursuivait-elle l’un au moins des buts énumérés par l’article 8 ? ii. Dans le second cas, quelles considérations d’intérêt général fondent le refus opposé au requérant pour un tel motif ? iii. Dans les deux cas, ce refus remplit-il la condition de proportionnalité consacrée par la jurisprudence de la Cour, eu égard en particulier à la marge d’appréciation dont disposait la France ? |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-153722 |