Document public
Titre : | Décision relative au fait que la différence de traitement entre les hommes et les femmes en matière de bonification d’annuité de retraite ne constitue pas une discrimination indirecte |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Conseil d'État, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/03/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 372426 |
Format : | 11 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Fonctionnaire [Mots-clés] Militaire [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Retraite [Mots-clés] Pension de retraite [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Égalité femme - homme [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Congé de maternité |
Résumé : |
Un professeur certifié ayant accompli quinze années de services effectifs et père de trois enfants, s'est vu refuser sa demande de départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit de pension. Le juge administratif avait confirmé ce refus ainsi que la demande visant la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité au droit de l'Union des articles prévoyant la bonification de pension pour les parents de trois enfants ayant interrompu leur activité pour les élever. L’intéressé estime que ces dispositions sont discriminatoires puisque les femmes mères bénéficient systématiquement de cette bonification du fait de la prise en compte du congé maternité.
L’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat rejette le pourvoi de l'intéressé sans renvoyer la question préjudicielle à la CJUE. Le Conseil d’Etat rappelle que le principe d’égalité des rémunérations consacré par le droit de l’Union (article 157 du TFUE) prohibe non seulement des discriminations directes fondées sur le sexe mais également des discriminations indirectes (mesure nationale en apparence neutre qui désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d’un sexe par rapport à l’autre). La CJUE a estimé que le régime de bonification de pension tel qu’en cause (articles L.12 et R.13 du code des pensions civiles et militaires de retraite) en tant qu’il prévoit la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit à l’octroi de la bonification introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et masculins contraire au droit de l’Union sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l’objectif invoqué et nécessaire à cet effet. La CJUE saisie de question préjudicielle a donné des indications de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer mais il revient exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs. Le Conseil d’Etat considère que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu’ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il s’avère qu’en pratique une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. Il relève également d’autres faits ayant l’impact sur la carrière de femmes (arrêts de travail liés à la maternité, interruption de carrière plus fréquente pour s’occuper des enfants). Il cite les données d’une étude statistique qui démontre des écarts entre pensions perçues par les femmes et les hommes ayant le même nombre d’enfants. Par ailleurs, ces écarts s’accroissent avec le nombre d’enfants (allant de 9,8% pour un enfant à 23% pour quatre enfants) et le Conseil énonce que si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient respectivement à 12,7% (pour un enfant) et à 30 % (pour quatre enfants). Il énonce que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d’une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. Il estime que cette bonification n’a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l’objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens du droit de l’Union, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudice de carrière manifestes qui les ont pénalisées. Le Conseil d'Etat conclut que le fait que la bonification d’un an par enfant et que la faculté de jouissance anticipée de la pension pour les parents de trois enfants bénéficient systématiquement aux mères qui ont interrompu leur activité professionnelle au titre du congé de maternité ne constitue pas une discrimination indirecte. En effet, le maintien, à titre provisoire, de cette différence indirecte de traitement, est justifiée par l’objectif social de compenser les désavantages de carrière et de pensions subies par les femmes ayant eu des enfants et qui résultent d’une situation passée. Les dispositions litigieuses ne méconnaissent pas le principe d’égalité des rémunérations consacré par le droit de l’Union. |
En ligne : | http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000030445632 |
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