Document public
Titre : | Décision MLD-2012-166 du 30 novembre 2012 relative à une réclamation portant sur des faits de harcèlement moral discriminatoire ainsi qu'à un licenciement discriminatoire en raison des activités syndicales et du sexe de la réclamante |
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Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits ; Emploi privé (2011-2016), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 30/11/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-2012-166 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Activité syndicale ou mutualiste [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Arrêt maladie [Mots-clés] Sexe [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position non suivie d’effet [Géographie] Paris |
Résumé : |
Le 13 février 2008, Madame X. a saisi la HALDE d’une réclamation relative à des faits de harcèlement moral discriminatoire en raison de son sexe et de son appartenance syndicale et d’un licenciement discriminatoire.
Par une délibération 2010-280 du 6 décembre 2010, la Haute Autorité a considéré que : - Madame X. avait fait l’objet d’un harcèlement moral discriminatoire à raison de son sexe et de ses activités syndicales ; - Ces faits de harcèlement moral discriminatoire avaient entraîné le licenciement de Madame X. qui doit être considéré comme discriminatoire conformément à l’article L. 1132-1 du Code du travail. Le Collège de la HALDE a par conséquent décidé de présenter ses observations devant le Conseil de Prud’hommes de Paris à une audience fixée au 3 janvier 2011. Parallèlement et suite à cette délibération, par une requête du 23 décembre 2010, la société mise en cause a saisi le tribunal administratif de Montreuil en vue de voir annuler la délibération du 6 décembre 2010 sur plusieurs fondements notamment : sur la forme, défaut de qualité du signataire et sur le fond, non respect du principe du contradictoire. A l’audience du Conseil de Prud’hommes de Paris du 3 janvier 2011, la société Y. a sollicité un sursis à statuer en attente du jugement du TA de Montreuil sur la délibération du 6 décembre 2010. Par jugement du 17 février 2011, le CPH de PARIS en sa formation de départage a considéré qu’il y avait lieu de surseoir à statuer. Madame X. a interjeté appel de ce jugement de départage sur la question du sursis à statuer devant le Premier président de la Cour d’appel de Paris. Lors de l’audience devant la Cour d’appel de PARIS tendant à infirmer le jugement de départage concernant la question du sursis, il a également été sollicité par le conseil de Madame X. d’évoquer l’affaire au fond à une date ultérieure sur le fondement de l’article 380 du CPC. Par un arrêt du 10 avril 2012, la Cour d’appel a infirmé le jugement sur la question du sursis à statuer et a décidé d’évoquer l’affaire au fond au cours d’une audience collégiale du 29 mai 2012 en présence du Défenseur des droits. La Cour fonde cette décision sur la nécessité d’une durée raisonnable de procédure. L’affaire a donc été plaidée sur le fond à l’audience du 29 mai 2012 et a donné lieu à un arrêt rendu par la CA de Paris, le 18 décembre 2012, retenant des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicales et à caractère sexiste. La société Y. a été condamnée à payer à la réclamante 50.000 € de dommages et intérêts. Suite à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS le 10 avril 2012, rejetant le sursis à statuer sollicité par la société Y. et décidant d’invoquer l’affaire au fond, la société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. C’est dans ce contexte que le 12 octobre 2012, le Défenseur des droits a reçu par signification par voie d’huissier un mémoire devant la Cour de Cassation sollicitant la cassation de l’arrêt du 10 avril 2012 au fondement de deux moyens : - Sur le rejet du sursis à statuer : « en décidant néanmoins de ne pas surseoir à statuer alors que la question de la régularité de l’intervention du DDD était une question préalable nécessaire à la régularité de la procédure suivie devant la juridiction et partant au règlement du litige, la CA a excédé ses pouvoirs. » - Sur la décision d’évoquer l’affaire au fond : « la CA a violé l’article 568 du CPC puisqu’elle a usé de sa faculté d’évoquer en dehors des hypothèses limitatives du texte précité. » Par décision MLD-2012-166, le Défenseur des droits a répondu en premier lieu que ses pouvoirs ne méconnaissent pas les règles du procès équitable conformément à une jurisprudence bien établie La société Y. indique ensuite qu’en décidant de ne pas surseoir à statuer, la Cour d’appel a estimé que dans la mesure où le Défenseur des droits n’était pas une partie à l’instance, et où les parties avaient la possibilité de discuter contradictoirement des conclusions, la question de savoir si la décision de la HALDE était ou non régulière « était sans incidence sur la solution du litige ». En effet, cette position est celle retenue par le Conseil d’Etat qui a jugé, par trois arrêts en date du 13 juillet 2007, que les délibérations de la HALDE ne constituaient pas des décisions administratives faisant grief susceptibles à ce titre de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Depuis ces arrêts de principe, les recours pour excès de pouvoir formés à l’encontre des délibérations de la HALDE font systématiquement l’objet de décisions d’irrecevabilité. De plus, les dispositions de l’article 13 de la loi du 30 décembre 2004 qui ouvrent à la HALDE la possibilité d’être entendue par une juridiction, ne lui confèrent pas pour autant la qualité de partie à l’instance. Si la juridiction saisie a l’obligation d’entendre, sur sa demande, les observations du Défenseur des droits, ces observations ne lient en aucune manière le juge et ne modifient pas les termes du litige puisque le Défenseur des droits ne formule aucune demande. Dès lors, la Cour d’appel peut parfaitement statuer sur le fond du litige dont elle est saisie sans qu’il ait été statué définitivement sur la question de la légalité de la délibération de la Haute Autorité. Le Défenseur des droits a donc considéré que le juge judiciaire n’était pas tenu de surseoir à statuer et a donc régulièrement entendu le Défenseur des droits dans ses observations comme le prévoit l’article 33 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 La société Y. soutenait enfin que l’évocation est limitée aux cas prévus par l’article 568 du Code de procédure civile où la Cour d’appel est saisie d’un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction ou d’un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance. La société affirme donc que la décision d’évoquer le litige a été prise en méconnaissance de l’article 568 du CPC, ce qui constitue une atteinte au principe de double juridiction et un excès de pouvoir. Or, la jurisprudence prévoit que « en application de l’article 380 du CPC, lorsque l’appel d’un jugement de sursis à statuer a été autorisé, la cour examine l’affaire. Elle a dès lors la faculté d’évoquer les points non jugés, si elle estime de bonne justice de leur donner une solution définitive ». (Civ, 2ème, 25 mars 1985). De plus, il est constant que « l’évocation à l’occasion de l’appel d’un jugement de sursis à statuer autorisé à raison de motifs graves et légitimes, n’est pas contraire à l’article 6§1 de la CEDH, si la cour d’appel estime de bonne justice, au regard notamment de l’exigence d’une durée raisonnable de la procédure, de donner une solution définitive au litige ». (Civ 2ème, 21 avril 2004). Or, en l’espèce, Madame X. a fait appel devant le premier président de la cour d’appel du jugement de départage rendu par le CPH de Paris du 17 février 2011 qui considérait qu’il y avait lieu de surseoir à statuer. L’appel de ce jugement a été autorisé par le premier président et la Cour d’appel a ensuite usé de sa faculté d’évocation au motif d’une durée raisonnable de la procédure sur le fondement de l’article 6§1 de la CEDH, procédure en cours depuis le 21 novembre 2008. Il est rappelé que la Cour d’appel apprécie souverainement la nécessité de procéder par voie d’évocation. Le Défenseur des droits a donc considéré, dans sa décision MLD-2012-166, que l’évocation n’était donc pas constitutive d’un excès de pouvoir mais bien justifiée par des motifs graves et légitimes. |
Suivi de la décision : |
La Cour de cassation, par un arrêt du 27 novembre 2013, a considéré que « l’arrêt attaqué, ayant retenu relativement au recours exercé contre la délibération de la HALDE par la société Y. que, si celle-ci se prévaut de moyens de légalité interne et externe qui semblent sérieux, pour autant la réponse qui sera donnée à ces moyens par la juridiction administrative n’est pas nécessaire au règlement du litige dont la juridiction prud’homale est saisie, a dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer et a évoqué le fond en renvoyant l’examen du litige à une prochaine audience ». S’agissant de l’évocation, la cour de cassation a estimé que « lorsque l’appel d’un jugement de sursis à statuer a été autorisé, la cour d’appel a la faculté d’évoquer les points non jugés, si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive ». Cet arrêt est intéressant dans la mesure où il consacre le fait qu’une décision du Défenseur des droits attaquée devant la juridiction administrative n’a pas d’incidence sur d’éventuelles demandes de sursis à statuer devant les juridictions civiles. |
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