Document public
Titre : | Décision MDE-2015-035 du 16 février 2015 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l’homme portant sur le placement en rétention administrative d’enfants, R.K. c. France |
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Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 16/02/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MDE-2015-035 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Documents internes] Tierce intervention [Mots-clés] Convention européenne des droits de l'homme [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) |
Résumé : |
Dans l’affaire R.K. c. France (n° 68264/14) devant la Cour européenne des droits de l’homme, soulevant la question de la conformité du placement en rétention administrative d’enfants au regard des articles 3, 5 et 8 de la Convention, le Défenseur des droits a déposé des observations devant la Cour.
Le Défenseur des droits souhaite éclairer la Cour sur l’évolution du droit et des pratiques internes concernant le placement en rétention administrative d’enfants depuis l’arrêt Popov. Les autorités françaises ont adopté une circulaire demandant aux préfets de recourir à l’assignation à résidence des familles faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, plutôt qu’au placement en rétention administrative. Cependant, bien que le Défenseur des droits ait noté une diminution significative du recours au placement en rétention administrative d’enfants, les réclamations individuelles dont il est régulièrement saisi démontrent que le recours à cette mesure perdure. Or, la rétention administrative d’enfants – accompagnés ou non – est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux articles 3, 5 et 8 de la Convention. Le recours à cette mesure devrait être proscrit et cette interdiction ne devrait plus souffrir d’exception. |
Date de réponse du réclamant : | 12/07/2016 |
Suivi de la décision : |
Le 12 juillet 2016, la CEDH a rendu cinq arrêts, dans la lignée de la jurisprudence Popov c. France, où elle a conclu à la violation des articles 3, 5-1, 5-4 et 8 de la Convention européenne. L’un de ces arrêts portait sur l’’affaire R.K. qui a fait l’objet de la tierce-intervention du Défenseur. Sur l’article 3 de la Convention Pour déterminer si le placement en rétention administrative est ou non contraire à l’article 3, comme dans l’affaire Popov, la Cour prend en compte trois critères : l’âge de l’enfant, la durée de la rétention ainsi que les conditions matérielles et organisationnelles du centre de rétention. Si, en l’espèce, la Cour a considéré que les conditions de rétention étaient satisfaisantes au regard de l’article 3, elle a néanmoins estimé que les enfants avaient eu à subir des conditions anxiogènes pendant une durée de rétention trop longue. Le critère déterminant a été la durée de rétention des enfants (ici, 9 jours). Après avoir examiné les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter le temps d’enfermement, la Cour a estimé que les autorités avaient tardé. Sur l’article 5 de la Convention Sur la légalité de la rétention (article 5§1 de la Convention), la Cour rappelle que par exception, s’agissant d’enfant, la privation de liberté doit être nécessaire pour atteindre le but poursuivi : assurer l’expulsion de la famille. Le placement en rétention administrative d’un enfant n’est conforme à l’article que si les autorités établissent qu’elle est la mesure ultime, après avoir vérifié concrètement qu’aucune alternative ne pouvait être mise en place. La Cour n’a pas été pas convaincue par l’argument du gouvernement : le refus d’embarquer dans un avion ne caractérisait pas un risque de fuite. La Cour a estimé que l’assignation à résidence – initialement mise en place - aurait pu être maintenue. La Cour en a conclu que les autorités n’avaient pas recherché de façon effective si le placement en rétention était la mesure de dernier ressort à laquelle aucune autre mesure moins coercitive ne pouvait se substituer. Elle a conclu à la violation de l’article 5§1. Sur le droit de faire contrôler sa détention par un juge (article 5§4 de la CEDH), la Cour relève que seuls les parents disposent d’un recours juridictionnel, puisque les mineurs, ne pouvant pas faire objet d’une mesure de rétention, tombent dans un « vide juridique » et suivent le sort de leurs parents. La Cour a ici nuancé l’arrêt Popov : alors qu’elle avait considéré qu’un tel « vide juridique » ne garantissait pas aux enfants la protection requise par la Convention, dans l’arrêt R.K., la Cour semble désormais examiner – au cas par cas – si les juridictions saisies du recours exercé par les parents ont, de manière effective, pris en compte la situation de l’enfant et recherché si une autre mesure moins coercitive que la rétention de la famille était possible. Sur l’article 8 de la Convention Sur le droit au respect d’une vie familiale, protégé par l’article 8, la Cour a conclu notamment que la détention en centre de rétention administrative pendant 9 jours avait une base légale en droit interne, dans la mesure où le sort des enfants suivait celui des parents. Sur le respect du principe de proportionnalité, la Cour prend en compte la caractérisation du risque de fuite et l’impossibilité de mettre en place une mesure alternative moins coercitive. En l’espèce, elle a considéré que le refus des requérants d’embarquer dans un avion, motif invoqué par le gouvernement, était insuffisant pour caractériser ce risque. Elle en a conclu que l’enfermement n’avait pas été justifié par un besoin social impérieux et qu’aucune autre solution n’avait été envisagée. Comme sous l’angle de l’article 3, la Cour a conclu que les autorités n’avaient pas mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure et limiter le temps d’enfermement. La durée de rétention de 9 jours a été considérée comme disproportionnée en raison de l’absence de risque de fuite des requérants. |
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Documents numériques (1)
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