
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation du droit au respect de la vie familiale en cas d'exécution d'une décision ordonnant le retour au Chypre d'un enfant déplacé illicitement par sa mère au Portugal : Phostira Efthymiou et Riberiro Fernandes c. Portugal |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/02/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 66775/11 |
Format : | 22 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Procédure civile [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Géographie] Portugal [Géographie] Chypre |
Résumé : |
L’affaire concerne la procédure de retour au Chypre d’une fille née en 2006, déplacée illicitement par sa mère au Portugal en 2009. La mère soutenait lors de cette procédure que l’enfant courait un risque grave de danger en cas de retour. En 2011, la Cour suprême portugaise avait infirmé la décision de la juridiction d’appel qui a jugé que l’enfant ne devait pas retourner au Chypre contrairement à ce qu’ont décidé les juges de première instance.
Invoquant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérantes, la mère et sa fille, dénoncent une atteinte à leur droit au respect de la vie familiale, en raison de la décision des juridictions portugaises d’ordonner le retour de l’enfant à Chypre, pays de sa résidence habituelle. La CEDH examine si l’ingérence que constitue la décision de retour prise sur le fondement de la Convention de La Haye dans le droit au respect de la vie familiale de la mère et de sa fille était « nécessaire dans une société démocratique ». Plus précisément, elle examine si un juste équilibre a été ménagé entre les différents intérêts concurrents présents (enfant, parents et ordre public). Tout en rappellent qu’elle ne lui appartient pas de se substituer son appréciation à celle des juridictions internes, la CEDH indique qu’elle doit cependant s’assurer que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions portugaises à prendre la mesure litigieuse a été équitable et qu’il a permis aux intéressés de faire valoir pleinement leurs droits, et ce dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour observe que les juridictions portugaises n’ont pas été unanimes quant à la suite à donner à l’affaire. Le juge de première instance ainsi que la Cour suprême ont estimé que l’enfant devait retourner au Chypre tandis que la Cour d’appel avait jugé que la condition d’application de l’exception au principe de retour de l’enfant illicitement déplacé, prévue par l’article 13b) (existence d’un risque grave de danger) de la Convention de La Haye de 1980 était remplie étant donné l’intégration de l’enfant au Portugal, son éloignement d’avec son père depuis 9 mois et le fait qu’il n’a pas été démontré que les autorités chypriotes offriraient des mesures de protection adéquates à l’enfant en cas de retour. Par ailleurs, la CEDH note les juridictions portugaises n’ont pas examiné la situation du père et son éventuelle incapacité à prendre soin de l’enfant, ni la situation antérieure de l’enfant à Chypre avant son déplacement. La CEDH estime que l’article 8 imposait aux autorités portugaises une obligation procédurale, en exigeant que toute allégation défendable de « risque grave » pour l’enfant en cas de retour fasse l’objet de la part des juges d’un examen effectif, ce dernier devant ressortir une motivation circonstanciée. Ils leur appartenaient de procéder à des vérifications sérieuses permettant soit de confirmer soit d’écarter l’existence d’un « risque grave », le cas échéant en sollicitant des observations sur la situation de l’enfant à Chypre, comme le recommande l’article 13 de la Convention de La Haye. Enfin, la Cour rappelle que le facteur «temps » est décisif pour apprécier le respect de l’article 8. En l’espèce, la procédure a duré près de 19 mois pour trois degrés de juridiction ce qui apparaît selon la CEDH comme excessif au vu de l’urgence inhérente à la matière et le délai de six semaines imparti par l’article 11 de la Convention de La Haye. Par ailleurs, la CEDH reproche à la Cour suprême portugaise de ne pas avoir pris en compte les changements de la situation de l’enfant intervenus compte tenu de la durée de la procédure (notamment l’intégration de l’enfant dans son nouveau cadre de vie au Portugal). La Cour juge donc qu’eu égard à ce qui précède, et en particulier à l’absence d’informations concernant la situation à Chypre et aux risques pour l’enfant en cas de séparation d’avec sa mère, force et de conclure que le processus décisionnel n’a pas satisfait aux exigences procédurales inhérentes à l’article 8 de la Convention. Partant, la Cour estime, par cinq voix contre deux, qu’il y aurait violation du droit de la mère et de sa fille au respect de leur vie familiale si la décision ordonnant le retour de l’enfant à Chypre était exécutée. |
Documents numériques (1)
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