Résumé :
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Les réclamants avaient subi des contrôles d’identité qu’ils estiment discriminatoires en raison de leurs origines. Ils avaient saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris afin de voir reconnaitre la responsabilité de l’Etat. Ils avaient été déboutés. Ils ont fait appel des 13 jugements les déboutant. Le Défenseur a déposé des observations devant la Cour d’appel de Paris.
Les réclamants ont été déboutés en première instance, parce que la preuve d’un comportement discriminatoire de la part des fonctionnaires de police constitutif d’une faute lourde n’était pas rapportée, conformément aux dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
Les présentes observations s’inscrivent dans la continuité de son rapport relatif aux relations police/citoyens. Il n’entend pas se prononcer sur les faits de chaque espèce mais porter à l’attention de la Cour d’appel les constats qu’il a pu dresser sur le cadre juridique, les garanties existantes et les pratiques en matière de contrôle d’identité, ainsi que sur les exigences du droit européen relatif à la lutte contre les discriminations, en particulier les obligations positives pesant sur l’État, lesquelles sont inhérentes à la protection effective des droits.
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Suivi de la décision :
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La Cour d’appel prend en compte les observations présentées par le Défenseur des droits.
Elle énonce qu’au regard des principes fondamentaux résultant tant des normes internationales, qu’européennes que nationales, il est acquis, qu’un contrôle d’identité, opéré sur des motifs discriminatoires fondés notamment sur la race ou l’origine, porterait fondamentalement atteinte au principe d’égalité de traitement que toute personne est légitimement en droit d’attendre du service public de la justice.
La Cour considère qu’en absence de toute traçabilité du contrôle d’identité effectué qui n’aboutit pas à la constatation d’une infraction, la loi en la matière ne prévoyant pas une telle obligation, constitue une entrave au contrôle juridictionnel, susceptible en elle-même de priver la personne concernée de contester utilement la mesure en cause et son caractère éventuellement discriminatoire, contraire à la jurisprudence de la CEDH portant sur le droit à un recours effectif.
Elle estime qu’il convient dès lors d’aménager la charge de la preuve, il appartient aux requérants de faire la démonstration d'un faisceau de circonstances grave, précises et concordantes, l'autorité publique devant quant à elle démontrer le caractère justifié de la différence de traitement.
En l'espèce, les requérants arguent des statistiques d'ordre général qui révèlent qu'est "sur contrôlée" une population jeune, masculine, portant des vêtements qui sont ceux à la mode de la jeune génération issue de quartiers défavorisés et appartenant aux minorités visibles, situation notamment dénoncée par un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) de juin 2010, chacun de requérants produit l'attestation en faveur de l’autre indiquant que les autres personnes attablées à la terrasse du restaurant où ils se trouvaient étaient toutes « des blancs ». La Cour estime que ces données, par analyse précise qu’elles font de la situation de « sur contrôle d’identité » vécue par certaine catégorie de la population, constituent un élément d’appréciation des circonstances ayant présidé au contrôle d’identité des intéressés.
Cependant, la Cour précise qu’à elles seules, ces données ne peuvent constituer le faisceau d’indice graves précises et concordants permettant de caractériser l’inégalité de traitement tirée de critères subjectifs dénoncés par les requérants et doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.
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