Document public
Titre : | Arrêt relatif à la prise en compte insuffisante par les autorités italiennes de l’intérêt supérieur d’un enfant né d’une gestation pour autrui en Russie : Paradiso et Campanelli c. Italie |
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est cité par : |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/01/2015 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 25358/12 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Placement [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Tutelle [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Situation de famille [Géographie] Italie [Géographie] Russie |
Résumé : |
Les requérants, un couple italien hétérosexuel, ont eu recours à la gestation pour autrui en Russie en violation de l’interdiction de cette pratique en Italie où, de retour avec l’enfant né en février 2011, ils ont tenté en vain de faire transcrire son acte de naissance les désignant comme étant les parents conformément au droit russe.
En octobre 2011, suite aux résultats d’un test ADN révélant qu’il n’y avait aucun lien biologique entre l’enfant et le couple (la clinique russe ayant commis une erreur), le juge italien a décidé de retirer immédiatement aux requérants le nourrisson, alors âgé de six mois, et de le placer sous tutelle. Par ailleurs, le juge avait estimé qu’il existait des doutes quant à la capacité affective et éducative du couple car leur conduite a été contraire à la loi italienne. L'enfant a été pris en charge par les services sociaux et le couple n’a pas été autorisé d’avoir des contacts avec lui. En janvier 2013, l’enfant a été placé auprès d’une famille d’accueil. En avril 2013, après près de deux ans sans identité, l’enfant était officiellement considéré comme étant né des parents inconnus. Devant la CEDH, les requérants invoquent l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (droit au respect de la vie privée et familiale). Ils se plaignent en particulier de l’éloignement de l’enfant, ajouté au refus de reconnaître, par la transcription de son certificat de naissance dans les registres de l’état civil italien, la filiation établie à l’étranger. La CEDH ne se prononce que sur le grief relatif à l’éloignement du nourrisson à l’âge de six mois. Le grief concernant le refus de la transcription de certificat de naissance est rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes. Tout d’abord, la Cour estime que même si le couple n’a passé que six mois avec le nourrisson, il s’agissait d’étapes importantes de sa jeune vie et les requérants se sont comportés pendant cette période comme des parents à son égard. La Cour estime que les mesures d’éloignement et la mise sous tutelle de l’enfant constituent une ingérence dans la vie familiale du couple. Cette ingérence était prévue par la loi (l’enfant était placé étant considéré comme abandonné en absence de lien avec le couple)et poursuivait un but légitime, à savoir la « défense de l’ordre » dans la mesure où, la conduite du couple était contraire à la loi italienne. Ensuite, la Cour examine si les autorités nationales ont ménagé un juste équilibre entre l’intérêt public et les intérêts des requérants pour savoir si cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique. La Cour rappelle d’une part, que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, et d’autre part, que l’éloignement d’un enfant du contexte familial est une mesure extrême qui ne peut se justifier qu’en cas d’un danger immédiat pour lui. La CEDH précise que l’Italie devait prendre en compte l’intérêt de l’enfant indépendamment du lien parental, génétique ou autre. En l’espèce, le juge italien s’est basé sur le jeune âge de l’enfant et la courte période passée avec le couple, pour décider de retirer immédiatement l’enfant qui à défaut aurait développé un lien affectif plus fort rendant la séparation ultérieure plus difficile. La CEDH considère que cet argument ne suffit pas pour éloigner l’enfant. Par ailleurs, le juge italien a estimé que les requérants étaient incapables d’éduquer et d’aimer cet enfant au seul motif qu’ils avaient contourné la loi sur l’adoption, sans avoir ordonné une expertise à cet égard compte tenu du fait que le couple était jugé apte à adopter en 2006. Ensuite, la Cour souligne que pendant deux ans, l’enfant était resté sans identité, alors qu'il est nécessaire qu’un enfant ne soit pas désavantagé du fait qu’il a été mis au monde par une mère porteuse, à commencer par la citoyenneté ou l’identité qui revêtent une importance primordiale. La Cour conclut à la majorité qu’elle n’est pas convaincue que les autorités italiennes se soient appuyées sur des éléments adéquats pour décider de retirer l'enfant au couple et de le confier aux services sociaux. Ainsi, elles n’ont pas préservé le juste équilibre devant régner entre les intérêts en jeu, en violation de l’article 8. Toutefois, elle précise que ce constat de violation ne saurait être compris comme obligeant l’État italien à remettre l’enfant aux requérants, ce dernier ayant certainement développé des liens affectifs avec la famille d’accueil chez laquelle il vit depuis 2013. |
Documents numériques (1)
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