
Document public
Titre : | Arrêt relatif au déplacement d’un enfant à l’étranger conformément à une décision de justice provisoirement exécutoire mais infirmée par la suite : C c. M |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 09/10/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-376-14 |
Format : | 16 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Procédure civile |
Résumé : |
Un enfant issu d’un couple franco-britannique est né en France en juillet 2008. Le juge français prononce le divorce quelques mois plus tard. L’autorité parentale est attribuée aux deux parents. La mère de nationalité britannique chez qui la résidence de l’enfant a été fixée, quitte en juillet 2012 la France avec l’enfant alors âgé de 4 ans pour s’installer en Irlande comme l’y autorisait le jugement de divorce. Le dispositif de ce jugement indiquait qu’il était exécutoire de droit par provision s’agissant des dispositions concernant l’enfant. Or, huit mois plus tard, cette décision est infirmée par le juge d’appel qui a fixé la résidence de l’enfant au domicile du père résidant en France.
Le père a saisi le juge français afin de demander, notamment le retour de l’enfant en France. Il saisit également le juge britannique d’une demande tendant à ce que l’arrêt d’appel français soit déclaré exécutoire en Grande-Bretagne. Le juge britannique (Suprême Court) a saisi la CJUE de questions préjudicielles liées à la mise en œuvre du règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Plus précisément, la Suprême Court pose les questions préjudicielles relatives à la détermination du lieu de résidence habituelle de l’enfant au sens du règlement et au caractère illicite ou non du déplacement de l’enfant en Irlande. La CJUE rappelle que la notion de résidence habituelle n’est pas définie par le règlement mais qu’il est admis que la résidence habituelle de l’enfant doit être établie par la juridiction nationale en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières de chaque cas d’espèce. Il s’agit notamment de la présence physique de l’enfant dans un Etat membre, de la durée, de la régularité, des conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un Etat membre et du déménagement de la famille dans cet Etat, de la nationalité de l’enfant, du lieu et des conditions de scolarisation, ses connaissances linguistiques, des rapports familiaux et sociaux de l’enfant dans cet État. La Cour indique que selon l’article 2, point 11 du règlement, pour être considéré comme illicite, le déplacement ou le non-retour d’un enfant doit avoir lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, en vertu du droit de l’Etat membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour. Or, en l’espèce, l’enfant a été déplacé de la France vers l’Irlande conformément aux dispositions d’un jugement français, même si celui-ci a été par la suite infirmé. La CJUE énonce que dans la circonstance où le déplacement de l’enfant a eu lieu conformément à une décision judiciaire exécutoire provisoirement qui a ensuite été infirmée par une décision judiciaire fixant la résidence de l’enfant au domicile du parent demeurant dans l’Etat membre d’origine, la juridiction de l’Etat membre où l’enfant a été déplacé, saisie d’une demande de retour de l’enfant, doit vérifier, en procédant à une évaluation de l’ensemble des circonstances particulières du cas d’espèce, si l’enfant avait encore sa résidence habituelle dans l’Etat membre d’origine immédiatement avant le non-retour illicite allégué. Dans le cadre de cette évaluation, il faut tenir compte du fait que la décision judiciaire autorisant le déplacement pouvait être exécutée provisoirement et qu’elle a été frappée d’appel. Elle estime qu’il serait discutable de constater le transfert de la résidence habituelle de l’enfant dès lors que cette décision judiciaire avait un caractère provisoire et que le parent ne pouvait être certain, au moment du déplacement, que le séjour dans cet Etat membre ne serait pas temporaire. La CJUE ajoute qu’eu égard à la nécessité d’assurer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ces éléments sont à mettre en balance avec d’autres éléments de fait pouvant démontrer une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial depuis son déplacement, en particulier, le temps écoulé (en l’espèce huit mois) entre ce déplacement et la décision judiciaire annulant la décision de première instance et fixant la résidence de l’enfant au domicile du parent demeurant dans l’Etat membre de l’origine. Enfin, la Cour estime que dans la circonstance où le déplacement de l’enfant a eu lieu conformément à une décision judiciaire exécutoire provisoirement qui a ensuite été infirmée par une décision judiciaire fixant la résidence de l’enfant au domicile du parent demeurant dans l’Etat membre d’origine, le non-retour de l’enfant dans cet Etat membre à la suite de cette seconde décision est illicite. L’article 11 du règlement trouve à s’appliquer s’il est considéré que l’enfant avait encore sa résidence habituelle dans ledit Etat membre immédiatement avant ce non-retour. En revanche, s’il est considéré que l’enfant n’avait plus à ce moment sa résidence habituelle dans l’Etat membre d’origine, la décision rejetant la demande de retour fondée sur cette disposition s’impose. |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-376-14 |