Document public
Titre : | Arrêt relatif aux conditions de détention inhumaines des gardés à vue au commissariat de Nouméa : Fakailo dit Safoka et autres c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 02/10/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2871/11 |
Format : | 22 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Garde à vue [Documents internes] Réparation du préjudice |
Résumé : |
L’affaire concerne les conditions de détention en mai 2009 subies par les cinq requérants lors de leur garde à vue pendant 48 heures à l’hôtel de police de Nouméa en Nouvelle-Calédonie ainsi que celles endurées pendant 72 heures au centre de détention Camp Est.
Les requérants soutiennent que ces conditions étaient contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit tout traitement inhumain ou dégradant. Ils font valoir notamment le manque d’espace personnel des cellules du commissariat ainsi que l’insuffisance d’aération. La CEDH juge le grief tiré des conditions de détention au centre Camp Est irrecevable et ne se prononce que sur le grief concernant les conditions de détention au commissariat de police. Elle rappelle que pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité dont l’appréciation dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime. La France qui ne conteste pas le fait que les conditions de détention décrites ne répondaient pas aux standards européen, soutient néanmoins que les requérants n’ont pas été exposés à des traitements atteignant le seuil de gravité de l’article 3 de la Convention en raison de la brève durée de leur détention. la CEDH note que deux des requérants ont été retenus au commissariat de police dans des cellules individuelles d’un peu plus de 2 m², et les trois autres dans des cellules collectives d’un peu plus de 11 m2 avec huit à neuf gardés à vue. Chacun disposait donc de moins de 1m2 d’espace personnel qui est largement inférieur au standard minimum souhaitable préconisé par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Selon le Comité, la taille des cellules de police doit être environ 7 m2 pour un séjour dépassant quelques heures. Par ailleurs, les cellules collectives ne disposaient pas de toilettes isolées et donc ne satisfaisaient pas aux exigences normales d’hygiène et d’intimité. Enfin, les cellules ne disposaient pas, ou de manière insuffisante, d’un système d’aération et elles étaient privées de lumière naturelle. La CEDH rappelle que, de par leur nature même, les commissariats de police sont des lieux destinés à accueillir des personnes pour de très courtes durées. Contrairement au gouvernement français, la Cour estime qu’une durée extrêmement brève de détention n’interdit pas un constat de violation de l’article 3 de la Convention « si les conditions de détention sont à ce point graves qu’elle portent atteinte au sens même de la dignité humaine ». La Cour juge que tel est le cas en l’espèce, eu égard à la taille des cellules dans lesquelles les requérants ont été placés en garde à vue. Elle relève que leur superficie, allant d’un peu plus de 2 m² pour les cellules individuelles à moins de 1 m2 par détenu pour les cellules collectives, n’était pas adaptée pour une période de détention de 48 heures. Elle se réfère à cet égard aux recommandations du CPT selon lesquelles ce genre de cellule ne devrait pas être utilisé pour des périodes de détention excédant quelques heures - ce qui exclut d’y passer une nuit - et devrait être aménagé de manière à éviter le plus possible la sensation d’oppression et d’enfermement. De plus, selon la Cour, le manque d’éclairage adéquat et l’aération quasi inexistante n’ont pu que générer une atmosphère encore plus étouffante, rendant la détention des requérants, nonobstant sa durée, contraire à la dignité humaine. En conséquence, CEDH conclut à l’unanimité, que les conditions de détention en cause ont causé aux intéressés des souffrances aussi bien physiques que mentales ainsi qu’un sentiment de profonde atteinte à leur dignité humaine, et qu’elles doivent s’analyser en un traitement inhumain et dégradant infligé en violation de l’article 3 de la Convention. La France est condamnée à verser à chacun des requérants une somme de 6.000 euros au titre du préjudice moral. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-146674 |