Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère justifié du traitement des demandes d’asile selon la procédure prioritaire des deux requérants et qui ont disposé de trois mois pour préparer leurs demandes : M.V. et M.T. c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/09/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 17897/09 |
Format : | 20 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Russie [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Procédure d'urgence [Mots-clés] Recours |
Mots-clés: | procédure prioritaire |
Résumé : |
L’affaire concerne la menace d’expulsion de la France vers la Russie de deux demandeurs d’asile dont les demandes ont été traitées selon une procédure prioritaire.
Les deux ressortissants russes ont quitté leur pays au motif qu’ils n’y étaient pas en sécurité depuis la rébellion tchétchène. En novembre 2008, ils ont déposé en France une demande d’admission au titre d’asile. Les relevés de leurs empreintes étant inexploitables, la préfecture a rejeté leur demande d’admission fin janvier 2009 et a transmis leurs demandes d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) selon la procédure d’examen prioritaire. En février 2009, l’OFPRA a rendu deux décisions de rejet, confirmées par la suite par la Cour nationale du droit d’asile, au motif que leur récit n’était pas suffisamment circonstancié. Les requérants ont demandés en vain le réexamen de leurs demandes d’asile. Par ailleurs, ils ont fait l’objet des deux arrêtés de reconduite à la frontière qu’ils ont contesté dans le cadre d’un recours suspensif mais ils ont été déboutés. En avril 2009, les requérants ont saisi la CEDH d’une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 de son règlement. La CEDH a fait droit à leur demande et a indiqué au gouvernement français de ne pas expulser les intéressés vers la Russie pour la durée de la procédure devant elle. Les deux hommes alléguaient que la mise à exécution de la décision des autorités françaises de les éloigner vers la Russie les exposerait au risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). En outre, invoquant l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 3, ils soutenaient ne pas avoir disposé d’un recours effectif en raison du traitement de leur demande d’asile selon la procédure prioritaire. La CEDH juge à l’unanimité que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer les requérants vers la Russie, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention. Ensuite, elle considère qu’il n’y pas eu violation de leur droit à un recours effectif. La Cour énonce qu’elle ne remet pas en cause l’intérêt et la légitimité de l’existence d’une procédure prioritaire, en plus de la procédure normale de traitement des demandes d’asile, pour les demandes dont tout porte à croire qu’elles sont infondées ou abusives. Une telle possibilité d’appliquer cette procédure est d’ailleurs reconnue par la directive européenne de 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres de l’Union européenne. La CEDH renvoie à sa jurisprudence antérieure en la matière concernant la France. En l’espèce, elle observe que les deux requérants, demandeurs d’asile pour la première fois en France, ont bénéficié des délais de recours réduits par rapport à une procédure normale, en raison du classement de leur demande en procédure prioritaire, pour préparer une demande d’asile complète et documentée en langue française. Toutefois, la Cour relève que les autorités françaises ont tenté à trois reprises de prendre les empreintes digitales des requérants. Ce n’est qu’après que le troisième relevé se soit révélé inexploitable que leur demande d’asile a été classée en procédure prioritaire. La CEDH estime que ce classement en procédure prioritaire paraissait pouvoir se justifier au regard des critères énoncés par le droit français. En outre, les requérants étaient libres contrairement à l’affaire I.M. c. France où il s’agissait d’un demandeur d’asile détenu puis retenu. Ils ont disposé de trois mois pour rédiger le récit des faits à l’origine de leur départ et de leurs craintes en cas de retour ainsi que pour se procurer les documents de nature à étayer leur demande d’asile. La CEDH note d’ailleurs que les intéressés ne soutiennent nullement avoir manqué de temps pour produire des documents ou pour les faires traduire, ni ne démontrer que l’examen effectué par l’OFPRA n’aurait pas été diligent. Enfin, la Cour souligne qu’outre leur demande l’asile, les requérants ont pu, lorsqu’ils ont fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, former un recours suspensif devant le juge administratif. Eu égard aux circonstances de l’espèce, la Cour estime que les requérants ne peuvent valablement soutenir que l’accessibilité des recours disponibles a été affectée par la brièveté des délais dans lesquels ils devaient être exercés et par les difficultés matérielles rencontrées pour obtenir les preuves nécessaires. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-146355 |
Cite : |
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