
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que le régime français de conservation dans un fichier STIC des données concernant une personne ayant bénéficié d’un classement sans suite est contraire à la Convention européenne : Brunet c. France |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/09/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 21010/10 |
Format : | 14 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Fichier [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Informatique et libertés [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] France |
Mots-clés: | STIC |
Résumé : |
Le requérant a été inscrit au fichier STIC (système de traitement des infractions constatées) en 2008 du fait de sa mise en cause dans une affaire portant sur violences conjugales. Or, suite à une médiation pénale, la procédure a été classée sans suite.
En 2009, il avait demandé sans succès au procureur de la République à ce que ses données soient effacées du fichier. En effet, la loi dans sa version applicable à l’époque des faits comme celle en vigueur ne donne au procureur le pouvoir d’ordonner l’effacement d’une fiche que dans un nombre restreint d’hypothèses. En cas d’un classement sans suite, l’effacement était possible uniquement si le classement sans suite a été motivé par une insuffisance des charges, ce qui n’était pas le cas du requérant. Par ailleurs, à l’époque, la décision du procureur n’était susceptible d’aucun recours. Certes depuis la loi du 14 mars 2011, les intéressés peuvent désormais demander au magistrat référent chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés de données à caractère personnel, d’effacer les données inscrites au STIC conformément à l’article 230-9 du code de procédure pénale. Toutefois, ce magistrat dispose des mêmes pouvoirs d’effacement, de rectification ou de maintien des données que le procureur de la République. Invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif), le requérant allègue devant la CEDH que son inscription au fichier STIC constitue une violation de la Convention. La CEDH constate que l’inscription au fichier des données relatives au requérant a constitué une ingérence dans son droit à la vie privée. Cette ingérence était certes prévue par la loi et elle poursuivait les buts légitimes de défense de l’ordre, de prévention des infractions pénales et de protection des droits d’autrui mais la Cour estime qu’elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Tout d’abord, elle constate que la mention du classement sans suite sur la fiche enregistrée au STIC n’a pas d’effet sur la durée de conservation de la fiche qui est de 20 ans. Elle considère que cette durée est importante compte tenu de l’absence de déclaration judiciaire de culpabilité et du classement sans suite de la procédure après le succès de la médiation pénale. Ensuite, elle examine le caractère proportionné de ce délai en tentant en compte de la possibilité pour l’intéressé de demander l’effacement anticipé des données le concernant. La Cour note que le procureur de la République ne bénéficie d’aucune marge d’appréciation pour évaluer l’opportunité de conserver ces données. Un tel contrôle ne saurait selon la Cour passer pour effectif. Il en est de même concernant le recours devant le magistrat référent visé à l’article 230-9 précité. Ce recours ne présente pas le caractère d’effectivité nécessaire puisque l’autorité décisionnaire ne dispose d’aucune marge d’appréciation quant à la pertinence du maintien des informations au fichier, notamment lorsque la procédure a été classée sans suite après une médiation pénale, comme en l’espèce. Certes, la jurisprudence récente du Conseil d’Etat (arrêt du 17 juillet 2013) reconnaît la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir contre les décisions du procureur en matière d’effacement ou de rectification, qui ont pour objet la tenue à jour du STIC et sont détachables d’une procédure judiciaire, mais la CEDH constate que cette faculté n’était pas reconnue à l’époque des faits. Ainsi, bien que la conservation des informations insérées dans le STIC soit limitée dans le temps, le requérant n’a pas disposé d’une possibilité réelle de demander l’effacement des données le concernant. La Cour estime que dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, la durée de vingt ans prévue est en pratique assimilable, sinon à une conservation indéfinie, du moins à une norme plutôt qu’à un maximum. Elle conclut donc à l’unanimité que la France a outrepassé sa marge d’appréciation en la matière puisque le régime de conservation des fichiers dans le STIC, tel qu’il a été appliqué au requérant, ne traduisant pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu. Dès lors, la conservation litigieuse s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention. La Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13. N.B.: Depuis le 1er janvier 2014, le TAJ (traitement d'antécédents judiciaires) remplace les fichiers inscrits au STIC et au système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX) dont il a repris l’ensemble des données. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-146389 |
Cite : |