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Titre : | Décision MLD-MDE-MSP-MDS-2014-111 du 1er septembre 2014 relative à la conformité des conditions d’évacuation d’un campement avec les articles 3, 8 et 13 de la CEDH |
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Accompagne : |
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Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 01/09/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-MDE-MSP-MDS-2014-111 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Position suivie d’effet [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Visa de la CIDE [Mots-clés] Expulsion [Mots-clés] Vulnérabilité économique [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Recours |
Résumé : |
Dans le cadre de l’affaire Hirtu et autres c. France portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (requête n° 24720/13), le Défenseur des droits a été autorisé à présenter des observations en qualité de tiers-intervenant.
Cette affaire soulève la question de la conformité des mesures d’expulsion visant des familles vivant dans des abris de fortune sur un terrain illégalement occupé, dans une situation d’extrême précarité, avec les exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme, notamment les articles 3, 8 et 13. Dans ses observations, le Défenseur des droits a porté à l’attention de la Cour le constat alarmant qu’il a pu dresser en juin 2013 dans le bilan d’application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites. Il y rappelle également les obligations de la France au regard de la Convention dans le cadre des procédures d’expulsion de familles en situation de précarité. |
Suivi de la décision : |
Dans l’arrêt Hirtu et autres c. France du 14 mai 2020, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie des conditions d’expulsion de familles Roms d’un campement, condamne les autorités françaises pour ne pas avoir pris en compte les conséquences de cette mesure et leur situation particulière. Elle conclut à la violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme. Sur le terrain de l’article 8, appliquant sa jurisprudence, la Cour considère qu’une mesure d’évacuation d’un campement comme en l’espèce constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale. Elle reconnaît que les autorités avaient en principe le droit d’expulser les requérants, puisqu’ils occupaient illégalement un terrain communal et, en tant qu’occupants sans titre, ne pouvaient prétendre avoir une espérance légitime d’y rester - d’autant plus qu’ils n’y étaient installés que depuis six mois. Cependant, la Cour constate que, vu le bref délai entre l’adoption de l’arrêté préfectoral, sa notification et l’évacuation elle-même, aucune des mesures préconisées par la circulaire interministérielle de 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites n’avait été mise en place (diagnostic des familles et personnes concernées, accompagnement en matière scolaire, sanitaire et d’hébergement). Elle ajoute qu’en raison de la procédure de mise en demeure appliquée, le recours prévu par le droit interne est intervenu après la prise de décision par l’administration, alors que dans d’autres cas, le juge judiciaire examine la proportionnalité de la mesure avant de prendre sa décision. Enfin, les recours introduits par les requérants, déclarés irrecevables, ne leur ont pas permis ultérieurement de faire valoir leurs arguments devant une juridiction. Or, d’une part, la Cour rappelle que la communauté Rom constitue un groupe socialement défavorisé et vulnérable. A ce titre, ses besoins particuliers doivent être pris en compte dans l’examen de proportionnalité que les autorités nationales sont tenues d’effectuer, non seulement lorsqu’elles envisagent des solutions à l’occupation illégale des lieux, mais encore, si l’expulsion est nécessaire, lorsqu’elles décident de sa date, de ses modalités et, si possible, d’offres de relogement. D’autre part, au titre des garanties procédurales de l’article 8, toute personne victime d’une ingérence dans les droits que lui reconnaît cette disposition doit pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure par un tribunal indépendant à la lumière des principes pertinents qui en découlent. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, la Cour constate que ni le recours suspensif spécifique à la mesure d’évacuation du campement (prévu par la loi du 5 juillet 2000), ni le recours en référé liberté n’ont permis un examen juridictionnel des arguments des requérants sous l’angle des articles 3 et 8 de la Convention, en première instance, ni au fond, ni en référé. Elle conclut ainsi à la violation de l’article 13. Dans son arrêt, la Cour fait référence à la tierce-intervention du Défenseur des droits, qui est mobilisé depuis 2012 sur la question des conditions d’expulsion de familles qui vivent sur des terrains occupés illégalement. Dans ses observations, il a porté à l’attention des juges de Strasbourg le constat alarmant qu’il a pu dresser en juin 2013 sur les conditions d’évacuation des campements dans le bilan d’application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012. Il a également rappelé les obligations de la France au regard de la Convention dans le cadre des procédures d’expulsion de familles en situation de précarité, occupant sans droit ni titre des terrains : protection du domicile et du droit de ne pas être privé d’abri, accès à la scolarisation, la santé, droit à un recours effectif. En concluant à la violation des articles 8 et 18 de la Convention dans cet arrêt, la Cour réaffirme sa jurisprudence antérieure et va dans le sens des observations du Défenseur des droits. |
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Documents numériques (1)
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