Document public
Titre : | Décision MSP-2014-108 du 17 juillet 2014 relative à l’absence de recours suspensif contre les mesures d’éloignement prises à l’encontre des étrangers dépourvus de titre de séjour à Mayotte |
est cité par : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 17/07/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MSP-2014-108 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Droit des étrangers [Géographie] Outre-mer [Géographie] France [Géographie] Mayotte [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position non suivie d’effet |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par des associations contestant l’article 14 II de l’ordonnance 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du CESEDA en ce que ce texte n’instaure pas de recours suspensif contre les mesures d’éloignement prises à l’encontre des étrangers dépourvus de droit au séjour à Mayotte.
A l’aune de la jurisprudence européenne, notamment de l’arrêt De Souza Ribeiro c/France du 13 décembre 2012, le Défenseur des droits observe que ces dispositions ne respectent pas les exigences européennes en matière de garanties procédurales, notamment de droit au recours effectif. Le Défenseur des droits fait valoir devant le Conseil d’Etat que, lorsque les griefs invoqués à l’appui de la contestation de la mesure sont fondés sur les articles 2 (droit à la vie) ou 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou sur l’article 4 du Protocole n° 4 (expulsions collectives) le recours suspensif de plein droit s’impose. Par ailleurs, lorsque les griefs fondant la contestation de la mesure d’éloignement relèvent de l’article 8 de la Convention (vie privée et familiale), la Cour européenne des droits de l’homme n’impose pas de recours suspensif mais exige le respect des garanties procédurales importantes destinées à assurer l’effectivité du recours, à savoir un examen sérieux et suffisamment approfondi par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité. Or à Mayotte, le Préfet apprécie l’opportunité des recours et décide au cas par cas de suspendre ou non la mesure d’éloignement. Pour le Défenseur des droits, le Préfet ne peut effectuer un examen indépendant et impartial des requêtes dans la mesure où il est l’auteur de la mesure d’expulsion. Le Défenseur des droits déduit que l’absence de recours suspensif à Mayotte dans ces cas n’est pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. A l’occasion de ces observations, le Défenseur des droits rappelle au Conseil d’Etat qu’il avait recommandé au gouvernement de prendre les dispositions utiles afin que les étrangers disposent, conformément à l’arrêt De Souza Ribeiro c/ France, d’un recours effectif pour contester une mesure d’éloignement |
Date de réponse du réclamant : | 24/07/2014 |
Suivi de la décision : |
Le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté la requête, par décision du 24 juillet 2014, estimant que la condition d'urgence n’était pas remplie (pièce n°2) et ce, pour trois raisons : En premier lieu, l’ordonnance attaquée ne modifie pas, sur ce point, le droit en vigueur (l’ordonnance du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte applicable jusqu’à l’ordonnance du 7 mai ne prévoyait pas de caractère suspensif aux recours contre les mesures d’éloignement). En second lieu, la pratique de la préfecture de Mayotte, depuis l’arrêt De Souza Ribeiro c/France du 13 décembre 2012, consisterait à différer l’éloignement lorsque l’étranger a saisi le Tribunal et jusqu’à ce que ce dernier se soit prononcé. Enfin, le projet de loi relatif au droit des étrangers, adopté en conseil des ministres le 23 juillet 2014, prévoit qu’à Mayotte l’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office si l’étranger a saisi le Tribunal d’un référé liberté. Le rejet de la requête est en réalité principalement lié à l'office du juge des référés et à la nature du contentieux (objectif c’est-à-dire contre un texte et donc, sans situation factuelle) car les motifs avancés pour récuser la condition d’urgence paraissent contestables : le dépôt d'un projet de loi qui prévoit de mettre en place une garantie imposée par la CEDH depuis décembre 2012 aurait pu, au contraire, inciter le juge à mettre un terme immédiat à cette lacune textuelle. D’autant que ce texte n’est pas encore voté par le parlement. Il se pourrait donc qu’à l’issue du travail parlementaire, cette garantie n’existe toujours pas à Mayotte. En tout état de cause, en attendant le vote de cette loi, seuls les engagements de l’administration de l'administration de ne pas éloigner tant que le juge n'a pas statué – dont le Conseil d’Etat a pris acte à l’audience – sont de nature à assurer le respect des exigences européennes. Ces engagements pourront être rappelés, le cas échéant, dans la pratique quotidienne de la préfecture. Il reste toutefois une faille qui ne sera comblée ni par l'ordonnance, ni par le projet de loi : l'éloignement de Mayotte peut avoir lieu de manière expéditive, en quelques heures seulement, avant même que le juge ait pu matériellement être saisi (voir les affaires Moustahi et Ali Moindjie dans lesquelles le Défenseur des droits est déjà intervenu et qui sont actuellement pendantes devant la Cour européenne). C’est donc, encore une fois devant la Cour européenne des droits de l’Homme que seront menés ces combats juridiques. |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
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