
Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère justifié de l’exigence de changement de statut marital d’une transsexuelle pour se voir reconnaître son nouveau genre : Hämäläinen c. Finlande |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/07/2014 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 37359/09 |
Format : | 43 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Identité de genre [Mots-clés] Transidentité [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Pacs [Mots-clés] Divorce [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Famille homoparentale [Mots-clés] Filiation |
Résumé : |
La requérante, née de sexe masculin, s’est mariée en 1996 avec une femme avec laquelle elle a eu un enfant avant de changer de prénom et de subir une opération de conversion sexuelle en 2009.
Toutefois, elle n’a pas pu modifier ses documents d’identité de manière à ce qu’il corresponde à son nouveau sexe féminin en raison de l’exigence de conversion de son mariage en partenariat enregistré ou du divorce du couple. La requérante et sa femme préfèrent demeurer mariées car, d’une part, le divorce allait à l’encontre de leurs convictions religieuses et, d’autre part, elles considéraient que le partenariat enregistré n’offrait pas la même sécurité que le mariage pour elles et leur enfant commun. Devant la CEDH, la requérante se plaint donc de ne pas pouvoir obtenir la pleine reconnaissance de son nouveau genre qu’en faisant convertir son mariage en partenariat enregistré. Dans son arrêt de chambre du 13 novembre 2012, la CEDH avait conclu à la non-violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 8 ni de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle avait considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 12 (droit au mariage). A la demande de la requérante, l’affaire a été renvoyé devant la Grande chambre de la CEDH. Par le présent arrêt, la Grande chambre conclut à nouveau que la Finlande n’a pas violé la Convention européenne. Tout d’abord, la Cour réitère que la Convention n’impose pas aux États contractants l’obligation d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. La Convention n’exige pas davantage que des dispositions spéciales soient prises dans des situations telles que celle de la requérante. Par ailleurs, en absence d’un consensus européen, et compte tenu des questions morales et éthiques délicates qui sont en jeu, la Cour estime que la Finlande dispose d’une large marge d’appréciation, tant en ce qui concerne la décision de légiférer ou non sur la reconnaissance juridique des changements de sexe résultant d’opérations de conversions sexuelles que les règles édictées pour ménager un équilibre entre les intérêts publics et les intérêts privés en conflit. La Cour note que le passage à un partenariat enregistré n’aura aucun effet sur le lien de filiation paternelle entre la requérant et son enfant. En outre, son changement de sexe n’a aucun effet juridique sur la responsabilité relative aux obligations de soins, de garde ou d’entretien du parent vis-à-vis de l’enfant, étant donné qu’en Finlande cette responsabilité se fonde sur la parentalité, quel que soit le sexe des parents ou la forme de leur relation. Par conséquent, la transformation du mariage de la requérante en un partenariat enregistré n’aurait aucune incidence sur sa vie familiale. La Cour considère qu’il n’est pas disproportionné de poser comme condition préalable à la reconnaissance juridique d’un changement de sexe que le mariage soit transformé en partenariat enregistré, ce dernier représentant une option sérieuse offrant aux couples de même sexe une protection juridique pratiquement identique à celle du mariage. La Cour énonce donc qu’on ne peut donc pas dire que, du fait des différences mineures qui existent entre ces deux formes juridiques, le système en vigueur ne permet pas à l’État finlandais de remplir les obligations positives qui lui incombent en vertu de l’article 8. En conclusion, elle estime que les effets sur la requérante du système finlandais actuel dans son ensemble ne sont pas disproportionnés et qu’un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts concurrents en jeu. Enfin, concernant le grief de la requérante selon lequel, pour tous les non-transsexuels, qui bénéficient automatiquement à la naissance de la reconnaissance de leur genre, le mariage, contrairement au sien, ne court pas le risque d’un divorce « forcé », la Grande Chambre souscrit à l’avis de la chambre, qui a estimé que la situation de la requérante et celle des non-transsexuels ne présentaient pas une similarité suffisante pour pouvoir être comparées l’une avec l’autre. En conséquence, la Cour estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 combiné avec les articles 8 et 12. |
ECLI : | CE:ECHR:2014:0716JUD003735909 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-145800 |